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et leur ensemble présente cette harmonie complète si rare dans les œuvres d’architecture. Celui du nord, plus riche de détails, plus complet comme entente de la sculpture, plus original peut-être comme composition, produirait plus d’effet, s’il était, ainsi que celui du sud, élevé sur un grand emmarchement et exposé tout le jour aux rayons du soleil. Dans l’origine, ces deux porches étaient peints et dorés ; leur aspect, alors, devait être merveilleux. C’est lorsqu’on examine dans leur ensemble et leurs détails ces compositions claires, profondément étudiées, d’une exécution irréprochable, qu’on peut se demander si depuis lors nous n’avons pas désappris au lieu d’apprendre ; si nous sommes les descendants de ces maîtres dont l’imagination féconde était soumise cependant à des règles aussi rigoureuses que sages ; et s’il n’y a pas plus d’art et de goût dans un de ces chefs-d’œuvre que dans la plupart des pâles et froids monuments élevés de nos jours.

La somme d’intelligence, de savoir, de connaissance des effets, d’expérience pratique, dépensée dans ces deux porches de Notre-Dame de Chartres, suffirait pour établir la gloire de toute une génération d’artistes ; et ce que l’on ne saurait trop admirer dans ces œuvres, c’est combien alors les arts de l’architecture et de la sculpture avaient su faire une alliance intime, combien ils se tenaient étroitement unis.

Nous ne croyons pas nécessaire de donner ici des figures de ces porches publiés dans maints ouvrages[1], gravés, lithographiés et photographiés bien des fois. Nous passerons à l’étude d’exemples non moins remarquables, mais peu connus. L’église de Saint-Nicaise de Reims avait été bâtie par l’architecte Libergier, mort en 1263[2] ; c’était un des plus beaux monuments religieux de la Champagne. D’une construction savante, l’église de Saint-Nicaise montrait ce qu’était devenue cette architecture champenoise au milieu du XIIIe siècle, un art mûr. Sur la façade de cette église s’ouvraient trois portes : l’une centrale, dans l’axe de la grande nef, les deux autres dans l’axe de chacun des bas côtés. Nous reviendrons tout à l’heure sur ces portes secondaires. La porte centrale était précédée d’un porche peu profond, élevé entre les deux contre-forts butant les archivoltes de la nef, et recevant le poids des angles des deux clochers. La figure 27 nous montre en A le tracé du plan de ce porche, avec l’échelle en pieds. D’un axe d’un contre-fort à l’autre on comptait 40 pieds. Les contre-forts avaient 8 pieds de face ; on comptait également 8 pieds pour l’ouverture des arcades B, et 16 pieds pour l’ouverture de l’arcade centrale ; pour la profondeur du

  1. Voyez la Monographie de la cathédrale de Chartres, par M. Lassus. — L’ouvrage de M. Gailhabaud, sur l’architecture du Ve au XVIe siècle. — Les exemples de décoration de M. Gaucherel.
  2. La tombe de l’architecte Libergier est aujourd’hui placée dans la cathédrale de Reims ; elle était, avant la démolition de l’église de Saint-Nicaise, placée dans ce monument.