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pour en faire comprendre la composition, d’indiquer ces parties du monument.

Cette observation ne saurait d’ailleurs s’appliquer aux portes seulement. L’architecture religieuse des XIVe et XVe siècles ne présente plus des membres séparés, c’est un tout combiné géométriquement, une sorte d’organisme savant ; et ces prismes, ces enchevêtrements de courbes, ces plans superposés qui paraissent à l’œil former un ensemble si compliqué, sont tracés suivant des lois très-rigoureuses et une méthode parfaitement logique. Nous faisons aujourd’hui intervenir si rarement le raisonnement géométrique et l’art du trait dans nos compositions architectoniques, que nous sommes facilement rebutés lorsqu’il s’agit d’étudier à fond les œuvres des maîtres des XIVe et XVe siècles, et que nous trouvons plus simple de les condamner comme des conceptions surchargées de détails sans motifs. Mais si l’on pénètre dans les intentions de ces artistes, et si l’on prend le temps d’analyser soigneusement leurs ouvrages, on est bien vite émerveillé de la simplicité et de l’ordre qui règnent dans les méthodes, de la rigoureuse logique des lois admises, et de la science avec laquelle ces artistes ont su employer la matière en présentant les apparences les plus légères, tout en élevant des constructions éminemment solides. Car il ne faut pas conclure de ce que, dans ces monuments, les parties purement décoratives se dégradent plus ou moins rapidement, que l’œuvre n’est pas durable. La parure est combinée de telle façon qu’elle peut être facilement remplacée sans entamer en rien la bâtisse. Celle-ci, au contraire, indépendante, sagement conçue, est à l’abri des dégradations. Il faut bien qu’il en soit ainsi pour que ces monuments, d’un aspect si léger, aient pu résister aux mutilations et aux injures du temps, et qu’à l’aide de quelques réparations de surfaces, on puisse leur rendre tout leur premier lustre[1].

Les grandes portes de nos églises du XIVe siècle présentent un système de structure et d’ornementation analogue à celui que développe si bien la porte de la Calende. Pendant les deux premiers tiers du XVe siècle, on construisit en France peu d’édifices religieux. Les malheurs du temps, l’épuisement des ressources, ne le permirent pas, et ce ne fut que sous le règne de Louis XI que l’on commença quelques travaux, Toutefois les données générales admises pour les grandes portes des églises ne furent pas changées, et ce n’est que par les détails et le style que ces derniers ouvrages diffèrent de ceux du XIVe siècle. Les gâbles prirent encore plus d’importance, les moulures des pieds-droits et des voussures se multiplièrent ; la statuaire fut de plus en plus étouffée sous la profusion des lignes de l’architecture et de l’ornementation ; les tympans disparurent souvent pour faire place à des claires-voies vitrées ; les linteaux se courbèrent en

  1. Les deux portes de la Calende et des Libraires ont pu ainsi, sans trop de peine et de dépense, être restaurées par les deux architectes diocésains de Rouen, MM. Desmarets et Barthélemy.