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ques villes voisines pour coloniser le domaine royal ; mais si l’on en juge par la physionomie des noms propres, il y avait aussi parmi elles des Germains et d’autres barbares dont les pères étaient venus en Gaule, comme ouvriers ou gens de service, à la suite des bandes conquérantes. D’ailleurs, quelle que fût leur origine, ou leur genre d’industrie, ces familles étaient placées au même rang et désignées par le même nom, par celui de lites en langue tudesque, et en langue latine par celui de fiscalins, c’est-à-dire attachées au fisc. Des bâtiments d’exploitation agricole, des haras, des étables, des bergeries et des granges, les masures des cultivateurs et les cabanes des serfs du domaine complétaient le village royal, qui ressemblait parfaitement, quoique sur une plus grande échelle, aux villages de l’ancienne Germanie…[1]. » Des baies vives, des murs de pierres sèches, des fossés, entouraient cet ensemble de bâtiments, et formaient quelquefois plusieurs enceintes, suivant l’usage des peuples du Nord. L’architecture des bâtiments participait des diverses influences sous lesquelles on les avait élevés ; c’était un mélange de traditions gallo-romaines et de constructions de bois élevées avec un certain art, peintes de couleurs brillantes. Des granges, des hangars, des celliers énormes, contenaient des provisions amassées pendant plusieurs mois, et que les princes barbares venaient consommer avec leurs leudes. Lorsque tout était vide, ils se transportaient dans un autre domaine. Ces palais, bâtis sur la lisière des grandes forêts, retentissaient des cris des chasseurs et du fracas d’orgies qui se prolongeaient souvent, pendant plusieurs jours. Les Carlovingiens conservèrent encore cet usage de vivre dans les palais de campagne, et Charlemagne en possédait un grand nombre[2]. Mais alors la vie en commun était remplacée par une sorte d’étiquette ; les palais ressemblaient davantage à une cour ; de beaux jardins les entouraient, cultivés avec soin ; les enceintes étaient mieux marquées. Toutefois la grande salle, la basilique, formait toujours la partie principale du domaine. Voici (fig. 1.) un aperçu de l’ensemble de ces palais carlovingiens. Charlemagne avait fait entièrement rebâtir le palais de Verberie, près de Compiègne. Il en restait encore de nombreux fragments dans le dernier siècle, si l’on en croit le P. Carlier[3]. D’après cet auteur, Charlemagne aurait bâti la tour du Prædium, c’est-à-dire le donjon dominant le domaine, tour dont les soubassements étaient encore visibles de son temps. Il aurait fait construire le principal corps de logis,

  1. Récit des temps mérovingiens, par Augustin Thierry, récit 1er.
  2. Charlemagne avait aussi des palais dans des villes, celui d’Aix entre autres, qui passait pour très beau.

    « Karles ne torna pas à Saint-Polle martir
    N’an son palais plenier, qi fu de marbre bis. »

    (La Chanson des Saxons, ch. L.)
  3. Hist. du duché de Valois, par le P. Carlier, prieur d’Andrezy, 1764, t. 1, liv. II, p. 169.