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Aujourd’hui, grâce, disons-nous, à l’enlèvement de quelques pans de mur, au replacement des couvertures d’après leur ancienne forme, voilà un édifice qui, tout massif qu’il est, présente un ensemble d’une élégance robuste qui charme les yeux les moins exercés, et fournit un spécimen des plus intéressants de ce que peut obtenir l’architecte par une judicieuse pondération des masses, par le rapport étudié des parties, sans le secours d’aucun ornement. Grand enseignement pour nous, qui, en appelant à notre aide toutes les ressources d’une exécution délicate, de la sculpture et des ordres superposés, des profils compliqués, ne parvenons pas toujours à arrêter le regard du passant, et qui dépensons des millions pour faire dire parfois : « Que nous veulent ces colonnes, ces corniches et ces bas-reliefs ? »

L’intérieur de l’église de Saint-Sernin, bien que très-défiguré par des renforcements de piliers, par un sanctuaire ridiculement surchargé d’ornements de mauvais goût, et par un crépi grossier, d’une couleur déplaisante, avait seul conservé la renommée qu’il mérite. Cet intérieur, en effet, produit un effet saisissant et grandiose, bien qu’au total l’édifice ne soit pas d’une dimension extraordinaire. Cependant, sauf quelques chapiteaux, l’intérieur de l’église de Saint-Sernin laisse voir à peine quelques profils ; ses piliers à sections rectangulaires sont nus, comme les parements et les arcs de voûtes ; on ne voit dans tout cela qu’une structure, et l’effet qu’elle produit est dû à l’harmonie parfaite des proportions. Comment cette harmonie a-t-elle été trouvée ?

Constatons d’abord un fait majeur : c’est que dans l’architecture du moyen âge le système harmonique des proportions procède du dedans au dehors. Les Grecs ne procédaient pas toujours de cette manière, mais bien les Romains dans leurs édifices voûtés et dans la construction de leurs basiliques. Cet énoncé demande quelques éclaircissements. Si nous considérons le Parthénon, ou le temple de Thésée, ou même les temples de la Grande Grèce, à l’extérieur, il nous est impossible de préjuger les proportions intérieures admises dans ces édifices. Nous voyons un ordre extérieur conçu d’après une harmonie de proportions admirable, mais nous ne pouvons en déduire l’échelle harmonique de l’intérieur. L’ordre extérieur et le mur de la cella nous masquent un ou deux ordres intérieurs superposés, des dispositions d’étages qui ne sont point visibles à l’extérieur, un ciel ouvert ou un couvert fermé, des escaliers que le dehors ne saurait faire deviner. Si bien qu’aujourd’hui encore, on peut se demander si les intérieurs de ces monuments étaient totalement clos ou présentaient une sorte de cour. Si les ordres placés à l’intérieur sont établis dans un rapport harmonique de proportions avec l’ordre extérieur, c’est là une question de pure convention, mais qui ne peut être appréciée par l’œil, puisque ces ordres extérieurs et intérieurs ne sauraient être vus simultanément. C’est une satisfaction théorique que l’architecte s’est donnée. Supposons que les dispositions intérieures du Parthénon ne nous soient pas connues (et elles le sont à peine), sur