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[proportion]
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par les formes d’art, on doive plutôt recourir à l’architecture grecque qu’il celle admise par les artistes du moyen âge ; et pourquoi, pour quelle raison, on supprimerait cet ordre de travaux humains qui peut fournir des éléments applicables à tous les points de vue.

Mais, dans une autre partie de cet ouvrage[1], nous avons fait ressortir des dissemblances non moins grandes entre les architectures antique et du moyen âge ; nous avons fait voir que si les architectes de la Grèce et de Rome soumettaient les parties de leurs édifices au module, c’est-à-dire à un système de proportions dépendant de l’art seul, les architectes du moyen âge avaient tenu compte de l’échelle humaine, c’est-à-dire de la dimension de l’homme. C’est là un point capital et qui dut nécessairement établir dans le mode des proportions un élément nouveau. En effet, les bases, les chapiteaux, les diamètres de colonnes, les profils et les bandeaux, les baies, les appuis, devraient nécessairement, d’après la donnée des artistes du moyen âge, tout d’abord, et quelle que fût la dimension de l’édifice, rappeler la taille humaine. C’était un moyen de présenter aux yeux la dimension vraie d’un monument, puisqu’on établissait ainsi dans toutes les parties un rapport exact avec l’homme[2]. Nous admirons autant que personne les principes de proportions qui régissent l’architecture grecque, mais nous ne pensons pas que ces principes soient les seuls admissibles ; nous sommes bien forcés de reconnaître l’existence d’un nouveau mode de procéder chez les maîtres du moyen âge, et, en l’étudiant, nous ne saurions en méconnaître l’importance. Les Grecs admettaient la puissance des nombres : c’était, pour ainsi dire, chez eux un principe religieux. Les nombres impairs et leurs multiples dominent, 3, 9, 7, 21, 49 ; mais ils ne tiennent compte de l’échelle humaine ; ils établissent une harmonie parfaite à l’aide de ces combinaisons de nombres. Cela est admirable sans contredit, et mériterait même une étude plus attentive de la part de ceux qui prétendent posséder le monopole des connaissances de cet art (bien qu’ils se contentent d’en étudier sans cesse les produits, sans jamais en déduire un système philosophique, dirons-nous) ; mais, à côté ou à la suite de cette méthode arithmétique si intéressante, il y a la méthode géométrique du moyen âge, et l’intervention de l’échelle humaine, qui sont d’une certaine valeur et qu’on ne saurait dédaigner.

Nous n’avons présenté dans cet article, jusqu’à présent, que des exemples tirés de monuments religieux ; cependant il n’en faudrait pas conclure que les architectes du moyen âge ne songeaient pas aux proportions, lorsqu’ils élevaient des édifices civils. Loin de là : nous les voyons suivre

  1. Voyez Échelle.
  2. L’exposé de ce principe si vrai et si simple a paru, aux yeux de quelques critiques, établir une véritable hérésie ; nous avouons ne pas comprendre pourquoi. Que ce principe diffère de celui admis chez les Grecs, ce n’est pas douteux ; mais en quoi serait-il contraire aux conditions de l’art de l’architecture ? C’est ce qu’on n’a pas pris la peine de discuter.