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[peinture]
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les basiliques de Saint-Perpétue, à Tours, il les fit « peindre et décorer par les ouvriers du pays avec tout l’éclat qu’elles avaient anciennement[1]. » Cet usage de peindre les édifices fut continué pendant toute la période carlovingienne, et Frodoard nous apprend que l’évêque Hincmar, reconstruisant la cathédrale de Reims, « orna la voûte de peintures, éclaira le temple par des fenêtres vitrées, et le fit paver de marbre[2]. » ) Les recherches faites sur l’architecture dite romane, constatent que la peinture était considérée comme l’achèvement nécessaire de tout édifice civil et religieux, et alors s’appliquait-elle de préférence à la sculpture d’ornement ou à la statuaire, aux moulures et profils, comme pour en faire ressortir l’importance et la valeur. Toutefois, dès que cette architecture prend un caractère original, qu’elle se dégage des traditions gallo-romaines, c’est-à-dire vers la fin du XIe siècle, la peinture s’y applique suivant une méthode particulière, comme pour en faire mieux saisir les proportions et les formes. Nous ne savons pas trop comment, suivant quel principe, la peinture couvrait les monuments carlovingiens en Occident, et nous n’avons guère, pour nous guider dans ces recherches, que certaines églises d’Italie, comme Saint-Vital de Ravenne, par exemple, quelques mosaïques existant encore dans des basiliques de Rome ou de Venise ; et dans ces restes l’effet des colorations obtenues au moyen de ces millions de petits cubes de verre ou de pierre dure juxtaposés, n’est pas toujours d’accord avec les formes de l’architecture. D’ailleurs ce mode de coloration donne aux parois, aux voûtes, un aspect métallique qui ne s’harmonise ni avec le marbre, ni, à plus forte raison, avec la pierre ou le stuc des colonnes, des piliers, des bandeaux, soubassements, etc. La mosaïque dite byzantine a toujours quelque chose de barbare ; on est surpris, préoccupé ; ces tons d’une intensité extraordinaire, ces reflets étranges qui modifient les formes, qui détruisent les lignes, ne peuvent convenir à des populations pour lesquelles l’architecture, avant tout, est un art de proportions et de combinaisons de lignes. Il est certain que les Grecs de l’antiquité, qui cependant regardaient la coloration comme nécessaire à l’architecture, étaient trop amants de la forme pour avoir admis la mosaïque dite byzantine dans leurs monuments. Ils ne connaissaient la peinture que comme une couverte unie, mate, fine, laissant aux lignes leur pureté, les accentuant même, exprimant les détails les plus délicats.

La peinture appliquée à l’architecture ne peut procéder que de deux manières : ou elle est soumise aux lignes, aux formes, au dessin de la structure ; ou elle n’en tient compte, et s’étend indépendante sur les parois, les voûtes, les piles et les profils.

Dans le premier cas, elle fait essentiellement partie de l’architecture ;

  1. « Basilicas sancti Perpetui adustas incendio reperi, quas in illo nitore vel pingi, vel exornari, ut prius fuerant, artificum nostrorum opere, imperavi. » (Lib. X, cap. xxxi, § 19.)
  2. Frodoard, Hist. de l’église de Reims, chap. v.