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fghiklmnop se coupant à angles droits et formant l’épannelage de la pile. Les colonnes engagées sont tracées en retraite de ces lignes, leurs centres sur les diagonales, de manière à donner la saillie des chapiteaux dont la tête, sous les tailloirs saillants, est cette projection fghik, etc. Pour les arcs des grandes voûtes est tracé le faisceau spécial de colonnes engagées qr ; les tailloirs des chapiteaux de ces arcs sont tracés en stuv ; les saillies des tailloirs des autres chapiteaux en f′h′k′, etc. Du côté A de notre figure est tracée la pile avec ses bases. Au-dessus des archivoltes longitudinales, à la hauteur du triforium, se dégage la colonnette engagée B, qui porte le formeret à l’intérieur. En DEFGH est tracée la pile au niveau du triforium. Le passage est en P, le mur ajouré de clôture de ce triforium en I, et le contre-fort extérieur en KL. Au-dessus du triforium est tracée la fenêtre avec sa colonnette M qui porte extérieurement l’arc de sertissure, qui n’est autre que le formeret lui-même ; aussi le centre de cette colonnette M est-il sur la même ligne que celui de la colonnette B. Au niveau des fenêtres est posée, sur le contre-fort KL, la colonne isolée N, qui reçoit la tête de l’arc-boutant et qui laisse un passage, au-dessus du triforium, entre elle et la pile OQ.

Il est facile de reconnaître que ce dernier tracé est préférable aux deux premiers. Cela est plus clair et plus logique. Les arcs des voûtes ont chacun leur support ; les chapiteaux de ces supports sont nettement accusés par les épannelages de ces arcs compris entre des parties rectilignes. Les projections des bases et celles des chapiteaux sont les mêmes, sauf, pour ces bases, que les angles sont judicieusement abattus en W, afin de ne pas gêner la circulation.

Dans cette voie, les maîtres du moyen âge ne devaient s’arrêter qu’à la dernière limite. On ne se soumet pas impunément, dans notre pays, à la logique. Elle nous pousse, nous entraîne jusqu’aux confins du possible. Cinquante ans au plus après l’adoption de ces principes de tracés, les architectes en étaient arrivés à donner exactement à la section horizontale des piles la section des arcs ; on peut se rendre compte de ce fait en examinant les figures 15, 16 et 17 de l’article Pilier. Ces méthodes les amenaient à ne plus concevoir une construction que par des tracés de projections horizontales superposées, et c’était naturellement les plans des parties supérieures (complément de l’œuvre) qui commandaient les sections horizontales des parties inférieures. Du temps de Villard de Honnecourt, on s’en tenait encore aux tracés conçus dans l’esprit de ceux que nous venons de présenter. On trouve, parmi les croquis de cet architecte, des indications qui se rapportent exactement aux méthodes que suggère l’étude des monuments de cette époque[1].

Villard de Honnecourt donne quelques plans d’édifices voûtés, et l’on peut constater que le tracé de ces plans dérive essentiellement de la

  1. Voyez l’Album de Villard de Honnecourt. D’après le manuscrit original, publié par J. B. Lassus et A. Darcel, 1858.