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Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/486

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[voûte]
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voûtes d’arête, suivant le mode byzantin[1], entre les arcs-doubleaux inférieurs F des collatéraux. La substitution des voûtes aux dallages entraînait forcément l’écartement des piles P. Les archivoltes G étaient conservées, mais avec un diamètre égal à celui des arcs-doubleaux F, et d’autres archivoltes I, ou une claire-voie portait le berceau central. Mais les archivoltes G destinées à recevoir les voûtes des collatéraux s’avançaient au ras intérieur des piles P, et alors, pour porter les arcs-doubleaux supérieurs C, il fallait ajouter à ces piles un appendice L sous la forme d’une colonne engagée. D’une construction dans laquelle l’arc et la plate-bande étaient simultanément employés avec un sentiment exquis du vrai, les architectes occidentaux arrivaient à faire, sans trop d’efforts, un monument entièrement voûté. Cependant cette modification, en apparence si simple, suscitait des difficultés de détail qui ne furent résolues que peu à peu. Mais telle est la puissance d’un premier enseignement clair et logique, que tout travail qui en découle se fait sous cette première influence. Les constructeurs occidentaux, en voyant cette architecture grecque de la Syrie, apprenaient à raisonner ; aussi, à dater de cette époque, leurs œuvres si confuses jusque-là, toutes bourrées de traditions mal comprises, reproduisant, en les abâtardissant de plus en plus, les formes de l’antiquité romaine, s’élèvent, progressent en s’appuyant sur le raisonnement, sur ces principes légués par les derniers des Grecs.

Cette coupe B est celle de la plupart de nos églises romanes construites au commencement du XIIe siècle en Auvergne, dans le Languedoc, la Provence et le Lyonnais. On peut aisément constater qu’il y a moins de dissemblance entre la coupe A et la coupe B qu’entre un monument voûté quelconque de Rome et cette coupe B. Cet arc-doubleau plein cintre E du triforium, que l’on retrouve dans les galeries des basiliques romanes de l’Auvergne et du Languedoc, et qui ne peut s’expliquer avec la voûte en demi-berceau (voyez Triforium ), est un vestige persistant de cette influence du monument syrien. Quant aux difficultés de détail dont nous venons de parler, voici en quoi elles consistaient tout d’abord. Les piles de la basilique de Chagga (voy. en a) sont à section carrée, ce qui était naturel, puisque ces piles ne reçoivent que deux arcs-doubleaux, et que l’archivolte qui unit ces piles naît en pénétration au-dessus de la naissance des deux arcs-doubleaux (voy. la figure 8). Mais nous voyons que déjà dans la coupe B les archivoltes G qui réunissent les piles ont leur naissance au niveau des naissances des arcs-doubleaux F (voy. la figure 9). L’extrados de ces archivoltes G ne se dégage donc qu’au-dessus de cette naissance, et, par suite, la naissance de la voûte d’arête ne pouvait s’établir qu’au point relevé de ce dégagement, ce qu’indique le tracé perspectif (fig. 10). Il y avait là un embarras, une de ces difficultés de détail dans l’art du constructeur, qui contraint bientôt celui-ci, pour peu

  1. Nous expliquerons tout à l’heure en quoi consiste ce mode.