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[ ARMOIRE ]
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bles était obtenue au moyen des ferrures nécessaires et de peintures recouvrant les panneaux. La menuiserie était d’une grande simplicité ; les planches formant les panneaux, assemblées à grain d’orge (fig. 9) ou simplement collés à joints vifs. Il semble qu’alors on tenait à conserver à ces armoires l’aspect d’un meuble robuste, bien fermé. Ce ne fut que a beaucoup plus tard que la sculpture vint décorer ces menuiseries. Nous ne pourrions affirmer cependant qu’il n’y eût pas, avant le XVe siècle, d’armoires sculptées : mais en observant les rares exemples d’objets de menuiserie romane, on pourrait admettre que les panneaux (lorsque la peinture seule n’était pas appelée à les décorer) recevaient une sculpture plate, champlevée, telle que celle que nous voyons encore conservée sur l’une des portes de la cathédrale du Puy en Velay. Les panneaux de cette porte, de sapin, représentent des sujets peints sur une gravure dont les fonds sont renfoncés de 2 ou 3 millimètres. Nous avons vu en Allemagne, dans la cathédrale de Munich, des armoires du XVe siècle dont les planches sont ainsi travaillées ; les fonds sont peints en bleu sombre, et les ornements conservent la couleur naturelle du bois. Souvent aussi les vantaux des armoires-trésors étaient-ils bordés de bandes de fer battu, étamé ou peint, avec rehauts dorés. Ces bandes de fer, croisées en façon de treillis avec rivets aux rencontres, étaient posées sur cuir, sur drap ou vélin. Mais une des plus belles armoires anciennes connues se trouve dans le trésor de la cathédrale de Noyon. Les panneaux sont entièrement peints à l’extérieur et à l’intérieur, et déjà le couronnement de ce meuble, qui date des dernières années du XIIIe siècle, est orné de sculptures. Cette armoire était certainement destinée, comme celle de Bayeux, à renfermer des châsses et ustensiles réservés au culte. A l’extérieur, les panneaux sont couverts de peintures fines sur fond pourpre damasquiné, et bleu semé de fleurs de lis blanches, représentant des saints ; à l’intérieur, ce sont des anges jouant de divers instruments de musique, tenant des encensoirs et des chandeliers. De petits créneaux se découpent sur le couronnement. Ce genre d’ornement fut employé fréquemment dans le mobilier pendant le XIVe siècle. Voici un ensemble de cette armoire (10) ; nous supposons les volets ouverts, et, comme on peut le remarquer, ces volets sont brisés, c’est-à-dire qu’ils se développent en dix feuilles, afin de ne pas présenter une saillie gênante lorsque l’armoire est ouverte.

Les volets sont suspendus à des pentures de fer étamé, et la pein-

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