Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 5.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[ ARMURE ]
— 90 —

Il fallait bien que ces heaumes cylindriques fussent un bon habillement de tête, car ils persistent très-tard ; on en portait encore à la croisade de saint Louis (voy. Heaume). L’écu était peint aux armes de chacun. Voici un passage de la Chanson des Saxons[1], qui vient appuyer les monuments figurés d’où nous avons tiré les exemples précédents :


« Qui dont véist chascun son hernois aprester,
« Ces espées forbir et ces hauberz roller.
« Cauces et covertures froier et escurer,
« Cez heaumes rebrunir, ces escuz enarmer
« Cez fers de cez espiez an fraisnez anhanter,
« Et ces chevax de garde torchier et conraer. »


Roller veut dire battre, équivaut à la locution vulgaire de rouler. Le moyen de dérouiller et de nettoyer les hauberts de mailles ne pouvait consister qu’en un froissement répété des maillons les uns contre les autres. Froier veut dire frotter ; le verbe escurer a la signification qu’on lui donne aujourd’hui. Donc il s’agit de pièces d’armures de fer poli, c’est-à-dire de grèves (cauces) et d’ailettes (covertures) ; et, en effet, dès le milieu du xiiie siècle, ces deux pièces d’armures étaient ajoutées au garnement de mailles. Ecus enarmez veut dire écus peints aux armes de ceux auxquels ils appartenaient. C’était en bois de fresne que l’on fabriquait les manches de lance.

A cette époque, c’est-à-dire vers 1250, sans être sensiblement modifié, l’habillement de l’homme d’armes gagne en élégance. La cotte d’armes d’étoffe, ne descendant qu’au-dessus des genoux, couvre entièrement le haubert de mailles, dont les manches seules restent apparentes. Le capuchon de mailles tient au haubert et est serré à la hauteur des tempes par une mince courroie bouclée ou nouée par derrière. Les gantelets de mailles tiennent aux manches et peuvent laisser la main libre au moyen d’une fente pratiquée longitudinalement au poignet. Le ceinturon, large, pendant, est retenu par une ceinture qui serre la taille. Les jambes sont, ainsi que les pieds, revêtus de chausses de mailles (fig. 17[2]). Le heaume est cylindro-conique tronqué, avec vue barrée par un renfort vertical. Ce heaume avait l’avantage de mieux tenir sur la tête que celui de l’exemple précédent, et posait sur la cervelière de mailles. Il était

  1. Chap. XXXIV.
  2. Cathédrale de Reims, sculptures du portail principal à l’extérieur et à l’intérieur.