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pas de faire parade de chevalerie. Cependant il n’en avait pas toujours été ainsi : Philippe-Auguste est, pour son temps, un tacticien ; ses marches sont habiles, ses précautions infinies. C’est un général qui ne livre rien au hasard et qui perfectionne l’armement.

Alors comme aujourd’hui, si le hasard, un accident, pouvaient parfois donner la victoire, il faut bien reconnaître que vingt fois sur dix elle est assurée à celui qui sait le métier de la guerre et qui n’en néglige point les principes immuables. Il a fallu un siècle à la gendarmerie française pour reconnaître la supériorité du tir rapide des archers anglais et de l’ordre en échiquier, et encore a-t-il fallu que les plébéiens français devinssent fabricants de bouches à feu et bombardiers, pour que nos armées, sous Charles VII, pussent reconquérir la supériorité qui leur avait été ravie.

Quoi qu’il en soit, il y a toujours eu en France une singulière aptitude pour le métier des armes, et c’est avec un vif intérêt que l’on suit les phases par lesquelles l’armement de l’homme de guerre a dû passer. Inférieur souvent à celui de ses voisins, en peu de temps et par soubresauts, il ressaisit le premier rang.

Ce qu’on ne saurait nier, c’est que même pendant les périodes calamiteuses, la gendarmerie française a su conserver intact ce sentiment chevaleresque qui appartient aux ivilisations chrétiennes et qui seul donne à la guerre une valeur morale. Si trop souvent ce sentiment lui a été funeste, il n’en demeure pas moins une force avec laquelle ceux qui ne l’éprouvent pas au même degré sont un jour obligés de compter, quand, par exemple, à ce sentiment inné viennent se joindre le savoir et la réflexion.

On a voulu chercher les origines de la chevalerie sur tous les points de l’horizon historique. Sans discuter ces origines, on peut dire que la chevalerie naît avec le sentiment de la force personnelle chez les races supérieures ; et ici nous n’entendons pas la force brutale, mais celle qui est la conséquence d’une puissance physique soumise à une intelligence élevée.

Hercule peut passer pour le mythe de la chevalerie, en ce qu’il mettait sa force corporelle au service d’une idée. La guerre est le pivot de la féodalité, et la féodalité c’est le moyen âge ; dure époque, nous en conviendrons volontiers. Mais était-il possible de renouveler le monde occidental tombé si bas à la fin de l’empire romain, par d’autres moyens ? Nous ne pouvons le savoir. Ce que nous apprécions, c’est l’efficacité du moyen qui a produit la société moderne, dont la force vitale est évidente. C’est à la féodalité et à la