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criquet

trottinaient au-devant de la vague, reculaient peureusement ou, rangés en cercle, jacassaient avec gravité.

Elle s’arrêta sur la lisière du bois pour écouter le bruissement des sapins mêlé au sourd clapotement des vagues, et poussa même jusqu’à la grève de Saint-Sauveur, plate et désolée, où l’on n’allait guère. Des deux côtés s’allongeaient à perte de vue des étendues de sable aux rondeurs fluides, dont chaque jour le vent changeait la forme et que rayaient des herbes dures inclinées vers la mer. On y apercevait parfois un minuscule œillet rose, un chardon en zinc bleuâtre, la trace en croix des pattes d’oiseaux, celle des pattes de lapin, rondes et nombreuses, et là où l’un d’eux avait gîté, un trou dans le sable frais et une tache humide.

Elle jeta un dernier regard sur la nappe de la mer qui s’étirait avec des frissons d’opale sous un ciel limpide voilé de fumées blondes, puis elle revint par le hameau en contemplant chaque maison blanche, avec son étroit jardinet en bordure où les tournesols flétris laissaient tomber leurs graines.

Elle s’élança vers l’un d’eux, lui abaissa la tête, rafla une poignée de ces graines dures et brillantes, et les mit dans sa poche :

« Pour le voyage, fit-elle, c’est presque aussi bon que des amandes de dragées… »

Puis, voyant bouger quelqu’un dans la maison par la porte ouverte :