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Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/94

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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

pensez bien que la pauvre créature, de complexion sanguine et sans doute fort amoureuse, a grand besoin de rattraper le temps perdu. Et j’imagine que le Mazarin sait besogner congrûment ailleurs qu’à la table du Conseil !

De nouveau les rires jaillirent. Mais Christine, qui était restée pensive, déclara tout à coup d’une voix grave :

— Tout cela est bel et bien. Mais rien ne peut excuser une souveraine de déchoir jusqu’à épouser un de ses sujets. Même secrètement.

Un souffle froid sembla courir autour de la table. Des regards se croisèrent. Magnus baissa les yeux, tandis que Charles-Gustave relevant la tête, lançait à sa cousine un regard enflammé.



Mais les pages avaient emporté les reliefs du festin, changé la nappe souillée, renouvelé les flambeaux des candélabres. Deux d’entre eux revinrent bientôt, portant avec solennité un magnifique gâteau de Noël qu’ils placèrent au centre de la table, en face de Christine.

— Quelle merveille ! s’écria Ebba, de sa voix de cristal.

Les applaudissements éclatèrent, la joie renaquit. C’était en effet un chef-d’œuvre de pâtisserie. Par un singulier mélange de la galanterie du siècle et de la science toute nouvelle de l’archéologie, il représentait le temple de Paphos, consacré dans l’île de Chypie au culte de Vénus. On y voyait un noble monument avec péristyle à la double rangée de colonnes corinthiennes et, dans le jardin qui l’entourait, des arbres, des massifs, des fontaines et même des hommes et des animaux. La pâte dorée et le sucre cristallisé aux multiples couleurs servaient de matériaux, se prêtant aux formes les plus variées, tandis que des fruits confits, ingénieusement disposés, çà et là, achevaient l’œuvre d’art.

— Nous voyons bien le temple, s’écria Magnus, mais où est la déesse, celle qui règne, ce soir plus encore, sur tous nos cœurs ?

— La déesse ? Vous la verrez tout à l’heure, riposta gaîment la reine. Pour le moment, elle est à l’intérieur du temple. Elle appartiendra à l’heureux mortel qui aura la chance de la gagner.