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dans le vif, à disséquer des principes, afin de mettre à nu le cerveau contemporain et le nœud vital de notre poésie française si tendrement aimée. Donc, je dogmatise, j’affirme.

Qu’on me pardonne de parler un moment en philosophe plutôt qu’en poète, et de démonter les rouages de l’âme au lieu de les regarder tourner. L’impulsif, comme tout autre, broie des pensées. Pour chacun le droit existe d’analyser ses actes comme des résidus. L’artiste véritable se prolonge en esthéticien, quitte à perdre, sitôt que la fièvre de l’intuition inconsciente le crispe, son beau calme théorique. S’oublier une minute, nouveau Narcisse, dans la contemplation de soi, à l’ombre des fontaines de la Vie, prêter l’oreille au murmure continu de l’Être qui s’égoutte au bord du Temps, c’est permettre à la Nature de nous renvoyer notre image, jusque-là ignorée ; c’est souffrir que notre âme se révèle chantante, alors que le martèlement de nos pas, le long des chemins de l’existence tumultueuse, risquait à jamais d’étouffer ses divines harmoniques.

I

Je crois pouvoir affirmer que chaque révolution en littérature, en art, éclate au nom des mêmes principes : Nature et Vérité[1]. Ceux-ci sont-ils mécon-

  1. Il est évident que la définition du mot nature donnée par les savants « personnification factice et purement verbale du sys-