Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/152

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Comme si le soleil, teinté du sang des vignes,
Brillait pour l’aile froide et la pâleur des cygnes,
Et comme si l’étang, quoique mort sous les joncs,
Et conservant pourtant l’âme des vieux donjons
Sous le glacis couvert par l’arcade des branches,
Réverbérait encore un peu de formes blanches,
Que la lune retient du bout de son croissant.

Oh ! l’automne ! l’automne ! où Diane tressant
L’ambre de ses cheveux humides de rosée,
Appuie au bas d’un tronc sa hanche reposée,
Et, tendant son mollet, s’amuse à le roidir !
Heure, où l’on se surprend à regarder blondir
La broussaille agriffée aux fûts noueux du rouvre ;
Où de l’âme jaillit comme un trouble qui s’ouvre,
Chrysanthème en bouton, subtil et décevant,
Déjà courbé sitôt pubère, et mort avant
D’avoir épanoui la fleur de sa jeunesse,
Sans qu’on fasse pourtant des vœux pour qu’il renaisse,
Tant notre être jouit à s’écouter mourir :
Ayant compris que cet émoi ne peut fleurir
Deux fois, sans dissiper un peu de son arome,
Et qu’il vaut mieux, tout lentement, comme un atome,
Se volatiliser, sentir qu’on ne sent plus…

— Heure, où le cœur se pend à mille bruits confus