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pression. La pensée domine toujours, imprenable[1]. Comment donc se hisser jusqu’au faîte de l’esprit ? Par des sentiers détournés les mots en bataillons serrés s’élancent ; ils contournent l’abîme, opèrent des conversions ; d’adroites circonvolutions les élèvent peu à peu ; de savants travaux d’approche leur permettent d’envahir sans heurt l’idée vierge ; l’artillerie des images, grâce à ses manœuvres serpentines, se déroule jusqu’au sommet et, de toutes parts à la fois, on prend possession de la forteresse.

De là l’emploi obligatoire du symbole, des images accumulées, pour acheminer peu à peu le lecteur au point où son esprit coïncidera avec le nôtre. « Beaucoup d’images diverses, empruntées à des ordres de choses très différents, pourront, par la convergence de leur action, diriger la conscience sur le point précis où il y a une certaine intuition à saisir. En choisissant les images aussi disparates que possible, on empêchera l’une quelconque d’entre elles d’usurper la place de l’intuition qu’elle est chargée d’appeler, puisqu’elle serait alors chassée tout de suite par ses

  1. « Il y a des choses trop complexes, à la fois trop étendues et trop indivisibles, pour qu’elles puissent être présentées à la conscience par des procédés dialectiques… C’est donc pour réparer l’insuffisance du langage et quand nous avons besoin d’embrasser les choses avec toute l’âme, que nous recherchons les symboles : grâce à eux seulement nous pouvons arriver à cet état appelé « mystique », qui est la synthèse du cœur, de la raison et des sens. » Récéjac, op. cit., p. 140.