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rimes, le nombre régulier des syllabes, la persistance de l’e muet non élidé à l’hémistiche ou dans le corps du vers, les rythmes impairs de plus de douze syllabes. Je renvoie aux œuvres et aux théories des Laforgue, des Kahn, des de Souza, des Vielé-Griffin, des de Gourmont, des Beaunier, des Boschot, — pour ne citer que les plus connus des commentateurs compétents. Je ne veux retenir qu’une chose, à savoir l’ardeur réfléchie avec laquelle les symbolistes, fiers de leurs constatations sur les conditions de la vie, s’efforcent de saisir la vie, de marcher son pas, se précipitent vers l’idéal, source de toute réalité, réalisent en eux la nature.

Désormais on ne fera plus subir à la pensée de cruelles mutilations pour la comprimer de force dans une forme préétablie. Les corsets de fer où se déviait la belle taille de l’idée se sont rompus sous la poussée de la vie. Chaque pensée créera sa forme et le vers, enfin sensibilisé, nous offrira le minutieux graphique des convulsions de l’âme. Le goût artistique, l’oreille, la sensibilité saine se constitueront en normes subtiles pour déterminer la cadence de chaque strophe et le poète « obéira au rythme personnel auquel il doit d’être »[1]. En ce sens entendons la parole profonde, « le vers libre est une conquête morale »[2].

  1. Vielé-Griffin. Préface de Joies.
  2. Vielé-Griffin. L’Ermitage, août 1899.