Page:Vivien - Une femme m’apparut, 1904.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
UNE FEMME M’APPARUT…

manda-t-il enfin à San Giovanni, en fixant sur elle ses lourdes prunelles.

« Je ne les aime ni ne les déteste, » répondit San Giovanni conciliante. « Je leur en veux d’avoir fait beaucoup de mal aux femmes. Ce sont des adversaires politiques que je me plais à injurier pour les besoins de la cause. Hors du champ de bataille des Idées, ils me sont inconnus et indifférents. »

Pétrus donna à son visage huileux une expression solennelle. On eût dit un fakir accouchant d’une prophétie. Il contempla longtemps l’Androgyne avant d’énoncer, d’un ton fatal :

« Mademoiselle, vous tentez en vain de vous dérober à l’irrésistible séduction masculine. Vous terminerez certainement votre carrière amoureuse entre les bras d’un homme. »

La fatuité innocente de son sourire eût adouci une Penthésilée, mais une colère ensanglanta le visage du poète de Cérès Éleusine.

J’arrêtai les paroles qui allaient jaillir de ses lèvres violentes ; et je répondis, d’un ton profondément choqué :