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UNE FEMME M’APPARUT…

aimé personne. Les sympathies les plus opiniâtrement obtuses se déconcertaient devant cette hostilité inconsciente.

« Avant de savoir lire, je me divertissais de la personnalité complexe de mes mains. Mes dix doigts avaient chacun une individualité, un caractère, presque une âme. Le pouce affirmatif et belliqueux s’isolait avec un naturel orgueil. L’index se recueillait en une sagesse prophétique. Le médius étendait sur son empire limité un despotisme bourgeois de père opulent. Le quatrième doigt, plus haut que l’index, s’élançait avec une sveltesse féminine. Quant au petit doigt, il incarnait la mutinerie changeante et la fantaisie gamine. Je faisais discourir mes doigts. Je leur attribuais une existence traversée d’événements variables et de graves décisions.

— Les doigts d’Ione, » interrompis-je, « sont pareils à de longs cierges religieusement pâles. »

San Giovanni continua :

« Comme presque tous les enfants, j’étais menteuse et cruelle. Je mentais par besoin