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UNE FEMME M’APPARUT…

déjà, m’attend. Et, sous les paupières closes, tu dénombreras les années.

Quand je chanterai des chansons à mon ombre, je sentirai ta pensée flotter autour de moi, telle une haleine froide. Quand le grésil crépitera contre la fenêtre, j’entendrai le tambourinement de tes doigts. Les vents d’hiver m’apporteront le frisson de ton linceul qui passe. Je saurai que tu m’attends, en supputant le nombre des mois et des années.

Ton index jettera son ombre sur le cadran solaire. Tu t’insinueras à travers la brume et les bruines, comme celle qui m’attend déjà.

Je t’aime parce que tu vas mourir.

C’est la joie brève dans la beauté éphèmère que je bois sur tes lèvres. Je crois te prendre un peu de ta vie fuyante lorsque je t’embrasse. Je vois, à travers ton corps, le dessin délicat du squelette. J’adore tes tempes fébriles où bleuissent les veines et où brille une rosée de sueurs glaciales. Je t’aime, d’être si pâle…

Oh ! que tu es belle d’être ainsi émaciée et pâle !…