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CHAPITRE XI.

pelotons semblaient marcher les uns vers les autres et se heurter ; puis, après le choc, il en restait plusieurs sans mouvement… Et tandis qu’inquiet de tout ce spectacle, je m’efforçais de distinguer les objets : — Vois-tu, me dit le Génie, ces feux qui courent sur la terre, et comprends-tu leurs effets et leurs causes ? — Ô Génie ! répondis-je, je vois des colonnes de flammes et de fumée, et comme des insectes qui les accompagnent ; mais quand déjà je saisis à peine les masses des villes et des monuments, comment pourrais-je discerner de si petites créatures ? seulement on dirait que ces insectes simulent des combats ; car ils vont, viennent, se choquent, se poursuivent. — Ils ne les simulent pas, dit le Génie, ils les réalisent. — Et quels sont, repris-je, ces animalcules insensés qui se détruisent ? ne périront-ils pas assez tôt, eux qui ne vivent qu’un jour ? — Alors le Génie me touchant encore une fois la vue et l’ouïe : Vois, me dit-il, et entends. — Aussitôt, dirigeant mes yeux sur les mêmes objets : Ah ! malheureux ! m’écriai-je, saisi de douleur, ces colonnes de feux ! ces insectes ! Ô Génie ! ce sont les hommes, ce sont les ravages de la guerre !… Ils partent des villes et des hameaux, ces torrents de flammes ! Je vois les cavaliers qui les allument, et qui, le sabre à la main, se répandent dans les campagnes ; devant eux fuient des troupes éperdues d’enfants, de femmes, de vieillards ; j’aperçois d’autres cava-