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LES RUINES.

pas une multitude contrainte ou séduite, ils se portèrent d’un mouvement hostile contre la nation libre, et investirent à grands cris l’autel et le trône de la loi naturelle : « Quelle est, dirent-ils, cette doctrine hérétique et nouvelle ? Quel est cet autel impie, ce culte sacrilège ?… Sujets fidèles et croyants ! ne semblerait-il pas que ce fût d’aujourd’hui que l’on vous découvre la vérité, que jusqu’ici vous eussiez marché dans l’erreur, que ces rebelles, plus heureux que vous, ont seuls le privilège d’être sages ! Et vous, peuple égaré, ne voyez-vous pas que vos nouveaux chefs vous trompent, qu’ils altèrent les principes de votre foi, qu’ils renversent la religion de vos pères ? Ah ! tremblez que le courroux du ciel ne s’allume, et hâtez-vous, par un prompt repentir, de réparer votre erreur. »

Mais, inaccessible à la suggestion comme à la terreur, la nation libre garda le silence ; et, se montrant tout entière en armes, elle tint une attitude imposante.

Et le législateur dit aux chefs des peuples : « Si, lorsque nous marchions un bandeau sur les yeux, la lumière éclairait nos pas, pourquoi, aujourd’hui qu’il est levé, fuira-t-elle nos regards qui la cherchent ? Si les chefs qui prescrivent aux hommes d’être clairvoyants, les trompent et les égarent, que font ceux qui ne veulent guider que des aveugles ? Chefs des peuples ! si vous possédez