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CHAPITRE XXIII.

tentation, avec les injures et les outrages dont vous blessez sans cesse votre prochain. Quand vous inculpez si gravement les mœurs du grand homme que nous révérons, nous pourrions trouver des représailles dans la conduite de celui que vous adorez ; mais dédaignant de tels moyens, et nous bornant au véritable objet de la question, nous soutenons que votre morale évangélique n’a point la perfection que vous lui attribuez ; qu’il n’est point vrai qu’elle ait introduit dans le monde des vertus inconnues, nouvelles : et, par exemple, cette égalité des hommes devant Dieu, cette fraternité et cette bienveillance qui en sont la suite, étaient des dogmes formels de la secte des hermétiques ou samanéens, dont vous descendez. Et quant au pardon des injures, les païens mêmes l’avaient enseigné ; mais, dans l’extension que vous lui donnez, loin d’être une vertu, il devient une immoralité, un vice. Votre précepte si vanté de tendre une joue après l’autre, n’est pas seulement contraire à tous les sentiments de l’homme, il est encore opposé à toute idée de justice ; il enhardit les méchants par l’impunité ; il avilit les bons par la servitude ; il livre le monde au désordre, à la tyrannie ; il dissout la société ; et tel est l’esprit véritable de votre doctrine : vos évangiles, dans leurs préceptes et leurs paraboles, ne représentent jamais Dieu que comme un despote sans règle d’équité ; c’est un père partial, qui traite un en-