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LES RUINES.

CHAPITRE VIII.



Source des maux des Sociétés.

En effet, à peine les hommes purent-ils développer leurs facultés, que, saisis de l’attrait des objets qui flattent les sens, ils se livrèrent à des désirs effrénés. Il ne leur suffit plus de la mesure des sensations douces que la nature avait attachées à leurs vrais besoins pour les lier à leur existence : non contents des biens que leur offrait la terre ou que produisait leur industrie, ils voulurent entasser les jouissances, et convoitèrent celles que possédaient leurs semblables ; et un homme fort s’éleva contre un homme faible, pour lui ravir les fruits de ses peines ; et le faible invoqua un autre faible, pour résister à la violence ; et deux forts se dirent : « Pourquoi fatiguer nos bras à produire des jouissances qui se trouvent dans les mains des faibles ? Unissons-nous et dépouillons-les ; ils fatigueront pour nous, et nous jouirons sans peine. » Et les forts s’étant associés pour l’oppression, les faibles pour la résistance, les hommes se tourmentèrent réciproquement ; et il s’établit sur la terre une discorde générale et funeste, dans laquelle les passions, se produisant