Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/62

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En effet, à peine les hommes purent-ils développer leurs facultés, que, saisis de l’attrait des objets qui flattent les sens, ils se livrèrent à des desirs effrénés. Il ne leur suffit plus de la mesure des sensations douces que la nature avait attachée à leurs vrais besoins pour les lier à leur existence : non contens des biens que leur offrait la terre, ou que produisait leur industrie, ils voulurent entasser les jouissances, et convoitèrent celles que possédaient leurs semblables ; et un homme fort s’éleva contre un homme faible, pour lui ravir le fruit de ses peines ; et le faible invoqua un autre faible pour résister à la violence ; et deux forts se dirent : " pourquoi fatiguer nos bras à produire les jouissances qui se trouvent dans les mains des faibles ? unissons-nous, et dépouillons-les ; ils fatigueront pour nous, et nous jouirons sans peines ". Et les forts s’étant associés pour l’oppression, les faibles pour la résistance, les hommes se tourmentèrent réciproquement ; et il s’établit sur la terre une discorde générale et funeste, dans laquelle les passions se produisant sous mille formes nouvelles, n’ont