Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/82

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son industrie ; et la multitude, condamnée à demeurer pauvre, restreignit son travail au seul nécessaire, et toute activité productive fut anéantie. La surcharge rendant la possession des terres onéreuse, l’humble propriétaire abandonna son champ, ou le vendit à l’homme puissant ; et les fortunes se concentrèrent en un moindre nombre de mains. Et toutes les lois et les institutions favorisant cette accumulation, les nations se partagèrent entre un groupe d’oisifs opulens et une multitude pauvre de mercenaires. Le peuple indigent s’avilit ; les grands rassasiés se dépravèrent ; et le nombre des intéressés à la conservation de l’état, décroissant, sa force et son existence devinrent d’autant plus précaires. D’autre part, nul objet n’étant offert à l’émulation, nul encouragement à l’instruction, les


esprits tombèrent dans une ignorance profonde. Et l’administration étant secrète et mystérieuse, il n’exista aucun moyen de réforme ni d’amélioration ; les chefs ne régissant que par la violence et la fraude, les peuples ne virent plus en eux qu’une faction d’ennemis publics, et il n’y eut plus aucune harmonie entre les gouvernés et les gouvernans. Et tous ces vices ayant énervé les états de l’Asie opulente, il arriva que les peuples vagabonds et pauvres des déserts et des monts adjacens, convoitèrent les jouissances des plaines fertiles ; et, par une cupidité commune, ayant attaqué les empires policés, ils renversèrent les t