Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/246

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Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable ?

Pangloss répondit en ces termes : O mon cher Candide ! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne : j’ai goûté dans ses bras les délices du paradis, qui ont produit ces tourments d’enfer dont vous me voyez dévoré ; elle en était infectée, elle en est peut-être morte. Paquette tenait ce présent d’un cordelier très savant qui avait remonté à la source, car il l’avait eu d’une vieille comtesse, qui l’avait reçu d’un capitaine de cavalerie, qui le devait à une marquise, qui le tenait d’un page, qui l’avait reçu d’un jésuite, qui, étant novice, l’avait eu en droite ligne d’un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne le donnerai à personne, car je me meurs.

O Pangloss ! s’écria Candide, voilà une étrange généalogie ! n’est-ce pas le diable qui en fut la souche ? Point du tout, répliqua ce grand homme ; c’était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingrédient nécessaire ; car si Colomb n’avait pas attrapé dans une île de l’Amérique cette maladie[1] qui empoisonne la source de la génération, qui souvent même empêche la génération, et qui est évidemment l’opposé du grand but de la nature, nous n’aurions ni le chocolat ni la cochenille ; il faut encore observer que jusqu’aujourd’hui, dans notre continent, cette maladie nous est particulière, comme la controverse. Les Turcs, les Indiens, les Persans, les Chinois, les Siamois, les Japonais, ne la connaissent pas encore ; mais il y a une raison suffisante pour qu’ils la connaissent