Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

assez doux et assez bête : d’autres où l’on fait le bel esprit ; et, dans toutes, la principale occupation est l’amour ; la seconde, de médire ; et la troisième, de dire des sottises. Mais, monsieur Martin, avez-vous vu Paris ? Oui, j’ai vu Paris ; il tient de toutes ces espèces-là ; c’est un chaos, c’est une presse dans laquelle tout le monde cherche le plaisir, et où presque personne ne le trouve, du moins à ce qu’il m’a paru. J’y ai séjourné peu ; j’y fus volé, en arrivant, de tout ce que j’avais, par des filous, à la foire Saint-Germain ; on me prit moi-même pour un voleur, et je fus huit jours en prison ; après quoi je me fis correcteur d’imprimerie pour gagner de quoi retourner à pied en Hollande. Je connus la canaille écrivante, la canaille cabalante, et la canaille convulsionnaire. On dit qu’il y a des gens fort polis dans cette ville-là : je le veux croire.

Pour moi, je n’ai nulle curiosité de voir la France, dit Candide ; vous devinez aisément que quand on a passé un mois dans Eldorado, on ne se soucie plus de rien voir sur la terre que mademoiselle Cunégonde : je vais l’attendre à Venise ; nous traverserons la France pour aller en Italie ; ne m’accompagnerez-vous pas ? Très volontiers, dit Martin : on dit que Venise n’est bonne que pour les nobles vénitiens, mais que cependant on y reçoit très bien les étrangers quand ils ont beaucoup d’argent ; je n’en ai point ; vous en avez, je vous suivrai partout. A propos, dit Candide, pensez-vous que la terre ait été originairement une mer, comme on l’assure dans ce gros livre qui appartient