Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/328

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l’assemblée s’en retourna extrêmement satisfaite[1]. Qu’est-ce donc que tout ceci ? dit Candide ; et quel démon exerce partout son empire ? Il demanda qui était ce gros homme qu’on venait de tuer en cérémonie. C’est un amiral, lui répondit-on. Et pourquoi tuer cet amiral ? C’est, lui dit-on, parcequ’il n’a pas fait tuer assez de monde ; il a livré un combat à un amiral français, et on a trouvé qu’il n’était pas assez près de lui. Mais, dit Candide, l’amiral français était aussi loin de l’amiral anglais que celui-ci l’était de l’autre ! Cela est incontestable, lui répliqua-t-on ; mais dans ce pays-ci il est bon de tuer de temps en temps un amiral pour encourager les autres.

Candide fut si étourdi et si choqué de ce qu’il voyait et de ce qu’il entendait, qu’il ne voulut pas seulement mettre pied à terre, et qu’il fit son marché avec le patron hollandais (dût-il le voler comme celui de Surinam), pour le conduire sans délai à Venise.

Le patron fut prêt au bout de deux jours. On côtoya la France ; on passa à la vue de Lisbonne, et Candide frémit. On entra dans le détroit et dans la Méditerranée, enfin on aborda à Venise. Dieu soit loué ! dit Candide, en embrassant Martin ; c’est ici que je reverrai la belle Cunégonde. Je compte sur Cacambo comme sur moi-même. Tout est bien, tout va bien, tout va le mieux qu’il soit possible.

  1. L’amiral Byng. M. de Voltaire ne le connaissait pas, et fit des efforts pour le sauver. Il n’abhorrait pas moins les atrocités politiques que les atrocités théologiques ; et il savait que Byng était une victime que les ministres anglais sacrifiaient à l’ambition de garder leurs places. K.--L’amiral Byng fut exécuté le 14 mars 1757 : voyez, tome XXI, le chapitre XXXI du Précis du Siècle de Louis XV. B.