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D’UN BON BRAMIN.
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17591.
Je rencontrai dans mes voyages un vieux bramin, homme fort sage , plein d’esprit, et très savant : de plus il était riche, et, partant, il en était plus sage encore ; car, ne manquant de rien, il n’avait besoin de tromper personne. Sa famille était très bien gouvernée par trois belles femmes qui s’étudiaient à lui plaire ; et, quand il ne s’amusait pas avec ses femmes, il s’occupait à philosopher.
Près de sa maison, qui était belle, ornée et accompagnée de jardins charmants, demeurait une vieille Indienne, bigote, imbécile, et assez pauvre. Le bramin me dit un jour : Je voudrais n’être jamais né. Je lui demandai pourquoi. 11 me répondit : J’étudie depuis quarante ans, ce sont quarante années de perdues ; j’enseigne les autres, et j’ignore tout ; cet état porte dans mon ame tant d’humiliation et de dégoût, que la vie m’est insupportable : je suis né, je vis dans le temps, et je ne sais pas ce que c’est que le temps : je me trouve dans un point entre deux éternités 2, comme disent nos sages, et je n’ai nulle idée de l’éternité : je suis composé de matière ; je pense, je n’ai «
1 Voyez ma préface en tête de ce volume. B. 3 Voyez, tonie XXIX, page 79 ; et dans les Mélanges, année 1772 , le paragraphe m de l’opuscule intitulé : Il faut prendre un parti. B.