Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome1.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
414
DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES.

fini par un accès de colère des plus violents. M. de Voltaire apprend que l’on a tué les deux beaux pigeons que sa chère enfant[1] avait apprivoisés et nourris. Je ne puis rendre l’excès de son indignation, en voyant l’apathie avec laquelle on égorge ainsi ce qu’on vient de caresser. Tout ce que cette cruauté d’habitude lui a fait dire d’éloquent et de pathétique peint encore mieux son âme que ne feraient les belles scènes d’Orosmane et d’Alzire.



LXVI.


NOTE SUR M. DE VOLTAIRE

ET FAITS PARTICULIERS CONCERNANT CE GRAND HOMME
recueillis par moi
pour servir à son histoire par m. l’abbé du vernet.
[2]


L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux.
(Œdipe, acte I, scène i.)

Puis-je ne pas me glorifier d’un titre qui a fait à la fois mon état, ma fortune, et le bonheur de ma vie ? L’extrait que j’en vais donner justifiera l’épigraphe que j’ai choisie, et qui pourrait paraître un peu trop orgueilleuse.

La paix de 1748, en rappelant les plaisirs de tout genre dans la ville de Paris, devint l’époque mémorable d’une nouvelle institution de quelques sociétés bourgeoises qui se réunirent pour le seul plaisir de jouer la comédie.

La première fut établie à l’hôtel de Soyecourt, au faubourg Saint-Honoré ;

  1. Mlle de Varicour, Belle et Bonne. Elle épousa le marquis de Villette à Ferney, le 12 novembre 1777 ; voyez la note, tome L, page 304.
  2. Lekain, mort le 8 janvier 1778 à l’âge de cinquante ans.

    La note qui a été remise par le célèbre Lekain doit intéresser les gens de lettres ; le grand acteur y peint naïvement l’enthousiasme de Voltaire pour l’art dramatique, et pour le talent du théâtre ; et on y voit en même temps comment, malgré cet enthousiasme et l’intérêt d’avoir des acteurs dignes de ses ouvrages, il cherchait à détourner ce jeune homme d’un état trop avili par le préjugé, et joignait noblement à ses conseils les moyens d’en embrasser un autre. Ce trait est un de ceux qui prouvent le mieux que la bonté était le sentiment dominant de l’âme de Voltaire.

    C’est ainsi qu’avec plus de désintéressement encore il engagea, en 1765, Mlle Clairon à quitter le théâtre, quoique le talent de cette sublime actrice fût alors dans toute sa force, et devint de jour en jour plus nécessaire au poëte, dont le génie dramatique commençait à s’affaiblir par l’âge et les travaux.

    Ses conseils à MM. d’Alembert et Diderot, persécutés pour l’Encyclopédie, et plusieurs traits de ce genre, prouveraient encore que l’amour de la justice l’emportait dans son esprit sur toute autre considération. (K.)