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DE VOLTAIRE.

Je soussigné, prieur de l’abbaye royale de Notre-Dame de Scellières, de l’ordre de Citeaux au diocèse de Troyes, certifie le présent extrait véritable et en tout conforme à son original. À Scellières, ce deux juin mil sept cent soixante-dix-huit.

G. Potherat de Corbierre, prieur.



V.
EXTRAIT
DE LA CORRESPONDANCE DE GRIMM[1].

Il est tombé, le voile funeste ; les derniers rayons de cette clarté divine viennent de s’éteindre, et la nuit qui va succéder à ce beau jour durera peut-être une longue suite de siècles[2].

  1. Correspondance de Grimm, etc., édit. Tourneux, tome XII, page 108.
  2. M. de Voltaire est mort le 30 du mois dernier*, entre dix et onze heures du soir, âgé de quatre-vingt-quatre ans et quelques mois. Il paraît que la principale cause de sa mort est la strangurie dont il souffrait depuis plusieurs années, et dont les fatigues du séjour de Paris avaient sans doute hâté le progrès. À l’ouverture de son corps, on a trouvé les parties nobles assez bien conservées, mais la vessie toute tapissée intérieurement de pus, ce qui peut faire juger des douleurs excessives qu’il a dû éprouver avant que le mal fût arrivé à ce dernier période. Des ménagements extrêmes auraient pu en retarder peut-être le terme ; mais il en était incapable. Ayant appris qu’à une séance de l’Académie, à laquelle il ne put assister, le projet qu’il avait fait adopter à ces messieurs pour une nouvelle édition de leur Dictionnaire avait essuyé des contradictions sans nombre, il craignit de le voir abandonné, et voulut composer un discours pour les faire revenir à son premier plan. Pour remonter ses nerfs affaiblis, il prit une quantité prodigieuse de café ; cet excès dans son état, et un travail suivi de dix ou douze heures, renouvelèrent toutes ses souffrances, et le jetèrent dans un accablement affreux. M. le maréchal de Richelieu, l’étant venu voir dans la soirée, lui dit que son médecin lui avait ordonné dans des circonstances assez semblables quelques prises de laudanum qui l’avaient toujours soulagé très promptement. M. de Voltaire en fit venir sur-le-champ ; et dans la nuit, au lieu de trois ou quatre gouttes, il en prit presque une fiole entière. Il tomba depuis ce moment dans une espèce de léthargie qui ne fut interrompue que par l’excès de la douleur, et ne reprit que par intervalles l’usage de ses sens. (Meister.)

    * Il était né le 20 novembre 1694.