Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/230

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Abandonnez-vous prudemment.
Vous aurez des amants, vous aimerez sans doute :
Je vous verrai, soumise à la commune loi,
Des beautés de la cour suivre l’aimable route,
Donner, reprendre votre foi.
Pour moi, je vous louerai ; ce sera mon emploi.
Je sais que c’est souvent un partage stérile,
Et que La Fontaine et Virgile
Recueillaient rarement le fruit de leurs chansons.
D’un inutile dieu malheureux nourrissons,
Nous semons pour autrui. J’ose bien vous le dire,
Mon cœur de la Duclos fut quelque temps charmé ;
L’amour en sa faveur avait monté ma lyre :
Je chantais la Duclos ; d’Uzès[1] en fut aimé :
C’était bien la peine d’écrire !
Je vous louerai pourtant ; il me sera trop doux
De vous chanter, et même sans vous plaire ;
Mes chansons seront mon salaire :
N’est-ce rien de parler de vous ?




ÉPÎTRE V.


À MONSIEUR L’ABBÉ DE ***[2],
QUI PLEURAIT LA MORT DE SA MAÎTRESSE.


(1715)


Toi qui fus des plaisirs le délicat arbitre,
Tu languis, cher abbé ; je vois, malgré tes soins,
Que ton triple menton, l’honneur de ton chapitre,
Aura bientôt deux étages de moins.
Esclave malheureux du chagrin qui te dompte,

  1. La Duclos, disait Voltaire, prend tous les matins quelques prises de séné et de casse, et, le soir, plusieurs prises du comte d’Uzès. (B.)
  2. Quelques personnes croient que cette épître fut adressée à l’abbé Servien, à qui est adressée l’épître iii ; d’autres, qu’il s’agit de l’abbé de Bussy.