Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’amour est fait pour vos semblables ;
Les bégueules font leur salut.

Que sur la volupté tout votre espoir se fonde :
N’écoutez désormais que vos vrais sentiments :
Songez qu’il était des amants
Avant qu’il fût des chrétiens dans le monde.

Vous m’avez donc quitté pour votre directeur.
Ah ! plus que moi cent fois Couët[1] est séducteur.
Je vous abusai moins ; il est le seul coupable :
Chloé, s’il vous faut une erreur,
Choisissez une erreur aimable.
Non, n’abandonnez point des cœurs où vous régnez.
D’un triste préjugé victime déplorable,
Vous croyez servir Dieu ; mais vous servez le diable,
Et c’est lui seul que vous craignez.
La superstition, fille de la faiblesse,
Mère des vains remords, mère de la tristesse,
En vain veut de son souffle infecter vos beaux jours ;
Allez, s’il est un Dieu, sa tranquille puissance
Ne s’abaissera point à troubler nos amours :
Vos baisers pourraient-ils déplaire à sa clémence ?
La loi de la nature est sa première loi ;
Elle seule autrefois conduisit nos ancêtres ;
Elle parle plus haut que la voix de vos prêtres,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour l’amour, et pour moi.




ÉPÎTRE XIII.


À MONSIEUR LE DUC D’ORLÉANS, RÉGENT.


(1716)


Prince chéri des dieux, toi qui sers aujourd’hui
De père à ton monarque, à son peuple d’appui ;

  1. M. de Voltaire a fait de cet abbé Couët le héros du Dîner du comte de Boulainvilliers. (K.) — Voyez aux Dialogues.