Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/335

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Partout que de prospérités !
Vous conquérez, vous héritez[1]
Des ports de mer et des provinces ;
Vous mariez à de grands princes[2]
De très-adorables beautés ;
Vous faites noce, et vous chantez
Sur votre lyre enchanteresse
Tantôt de Mars les cruautés,
Et tantôt la douce mollesse.
Vos sujets, au sein du loisir,
Goûtent les fruits de la victoire ;
Vous avez et fortune et gloire ;
Vous avez surtout du plaisir ;
Et cependant le roi mon maître,
Si digne avec vous de paraître
Dans la liste des meilleurs rois,
S’amuse à faire dans la Flandre[3]
Ce que vous faisiez autrefois
Quand trente canons à la fois
Mettaient des bastions en cendre.
C’est lui qui, secouru du ciel,
Et surtout d’une armée entière,
A brisé la forte barrière
Qu’à notre nation guerrière
Mettait le bon greffier Fagel.
De Flandre il court en Allemagne
Défendre les rives du Rhin ;
Sans quoi le pandoure inhumain
Viendrait s’enivrer de ce vin
Qu’on a cuvé dans la Champagne.
Grand roi, je vous l’avais bien dit
Que mon souverain magnanime
Dans l’Europe aurait du crédit,
Et de grands droits à votre estime.

  1. Le dernier duc d’Ost-Frise venait de mourir, et avait laissé à la couronne de Prusse une principauté riche et considérable.
  2. Pendant son séjour à Pirmont, dans les premiers mois de l’année 1744, Frédéric avait fait demander en mariage la fille unique du landgrave de Cassel, Marie-Amélie, pour le margrave Charles de Brandebourg. Elle fut accordée ; mais sa mort arriva le 19 novembre 1744, avant la célébration. (B.)
  3. Voyez, dans le tome précédent, le poëme sur les Événements de 1744, et ci-après l’épître lxvii.