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GERTRUDE
OU
L’ÉDUCATION D’UNE FILLE[1]


Mes amis, l’hiver dure, et ma plus douce étude
Est de vous raconter les faits des temps passés.
Parlons ce soir un peu de madame Gertrude.
Je n’ai jamais connu de plus aimable prude.
Par trente-six printemps, sur sa tête amassés,
Ses modestes appas n’étaient point effacés ;
Son maintien était sage, et n’avait rien de rude ;
Ses yeux étaient charmants, mais ils étaient baissés.
Sur sa gorge d’albâtre une gaze étendue
Avec un art discret en permettait la vue.
L’industrieux pinceau, d’un carmin délicat.
D’un visage arrondi relevant l’incarnat,
Embellissait ses traits sans outrer la nature ;
Moins elle avait d’apprêt, plus elle avait d’éclat :
La simple propreté composait sa parure.
Toujours sur sa toilette est la sainte Écriture ;
Auprès d’un pot de rouge on voit un Massillon,
Et le Petit Carême est surtout sa lecture[2].
Mais ce qui nous charmait dans sa dévotion,
C’est qu’elle était toujours aux femmes indulgente :

  1. Ce conte est de la fin de 1763 ; Voltaire en parle dans sa lettre à Damilaville, du 1er janvier 1764 ; on l’imprima séparément en sept pages in-8o ; Favart en composa son Isabelle et Gertrude. (B.)

    — En 1822, Carmouche, de Courcy et Vanderburch, ont rhabillé cette pièce. (G. A.)

  2. C’était la lecture favorite de Voltaire, qui avait, dit-on, sur sa table de nuit Athalie et le Petit Carême. (B.)