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DES ROMAINS.

il apaisa la colère de Dieu par ses prières, et rentra dans son bon sens.

« Théodecte, poëte grec, ayant mis dans une tragédie quelques passages qu’il avait tirés de nos livres saints, devint aussitôt aveugle, et ne recouvra la vue qu’après avoir reconnu sa faute. »

Ces deux contes de Josèphe, indignes de l’histoire et d’un homme qui a le sens commun, contredisent, à la vérité, les éloges qu’il donne à cette traduction grecque des livres juifs ; car si c’était un crime d’en insérer quelque chose dans une autre langue, c’était sans doute un bien plus grand crime de mettre tous les Grecs à portée de les connaître. Mais au moins Josèphe, en rapportant ces deux historiettes, convient que les Grecs n’avaient jamais eu connaissance des livres de sa nation.

Au contraire, dès que les Hébreux furent établis dans Alexandrie, ils s’adonnèrent aux lettres grecques ; on les appela les Juifs hellénistes. Il est donc indubitable que les Juifs, depuis Alexandre, prirent beaucoup de choses des Grecs, dont la langue était devenue celle de l’Asie Mineure et d’une partie de l’Égypte, et que les Grecs ne purent rien prendre des Hébreux.


l. — Les Romains. Commencements de leur empire
et de leur religion ; leur tolérance
.

Les Romains ne peuvent point être comptés parmi les nations primitives : ils sont trop nouveaux. Rome n’existe que sept cent cinquante ans avant notre ère vulgaire. Quand elle eut des rites et des lois, elle les tint des Toscans et des Grecs. Les Toscans lui communiquèrent la superstition des augures, superstition pourtant fondée sur des observations physiques, sur le passage des oiseaux dont on augurait les changements de l’atmosphère. Il semble que toute superstition ait une chose naturelle pour principe, et que bien des erreurs soient nées d’une vérité dont on abuse.

Les Grecs fournirent aux Romains la loi des Douze Tables. Un peuple qui va chercher des lois et des dieux chez un autre devait être un peuple petit et barbare : aussi les premiers Romains l’étaient-ils. Leur territoire, du temps des rois et des premiers consuls, n’était pas si étendu que celui de Raguse. Il ne faut pas sans doute entendre, par ce nom de roi, des monarques tels que Cyrus et ses successeurs. Le chef d’un petit peuple de brigands ne peut jamais être despotique : les dépouilles se partagent en