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CHAPITRE  I.

témoignages authentiques, jusqu’à l’empereur Hiao, qui travailla lui-même à réformer l’astronomie, et qui, dans un règne d’environ quatre-vingts ans, chercha, dit-on, à rendre les hommes éclairés et heureux. Son nom est encore en vénération à la Chine, comme l’est en Europe celui des Titus, des Trajan, et des Antonins. S’il fut pour son temps un mathématicien habile, cela seul montre qu’il était né chez une nation déjà très-policée. On ne voit point que les anciens chefs des bourgades germaines ou gauloises aient réformé l’astronomie : Clovis n’avait point d’observatoire.

Avant Iliao[1] on trouve encore six rois, ses prédécesseurs ; mais la durée de leur règne est incertaine. Je crois qu’on ne peut mieux faire, dans ce silence de la chronologie, que de recourir à la règle de Newton, qui, ayant composé une année commune des années qu’ont régné les rois des différents pays, réduit chaque règne à vingt-deux ans ou environ. Suivant ce calcul, d’autant plus raisonnable qu’il est plus modéré, ces six rois auront régné à peu près cent trente ans ; ce qui est bien plus conforme à l’ordre de la nature que les deux cent quarante ans qu’on donne, par exemple, aux sept rois de Rome, et que tant d’autres calculs démentis par l’expérience de tous les temps.

Le premier de ces rois, nommé Fo-hi, régnait donc plus de vingt-cinq siècles avant l’ère vulgaire, au temps que les Babyloniens avaient déjà une suite d’observations astronomiques ; et dès lors la Chine obéissait à un souverain. Ses quinze royaumes, réunis sous un seul homme, prouvent que longtemps auparavant cet État était très-peuplé, policé, partagé en beaucoup de souverainetés : car jamais un grand État ne s’est formé que de plusieurs petits ; c’est l’ouvrage de la politique, du courage, et surtout du temps : il n’y a pas une plus grande preuve d’antiquité.

Il est rapporté dans les cinq Kings, le livre de la Chine le plus ancien et le plus autorisé, que sous l’empereur Yo, quatrième successeur de Fo-hi, on observa une conjonction de Saturne, Jupiter, Mars, Mercure, et Vénus. Nos astronomes modernes disputent entre eux sur le temps de cette conjonction, et ne devraient pas disputer. Mais quand même on se serait trompé à la Chine dans cette observation du ciel, il était beau même de se tromper. Les livres chinois disent expressément que de temps

  1. Quelle étrange conformité n’y a-t-il pas entre ce nom de Hiao et le Iao ou Jehova des Phéniciens et des Égyptiens ! Cependant gardons-nous de croire que ce nom de Iao ou Jehova vienne de la Chine. (Note de Voltaire.)