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CHAPITRE VII.

C’est un préjugé répandu parmi nous que le mahométisme n’a fait de si grands progrès que parce qu’il favorise les inclinations voluptueuses. On ne fait pas réflexion que toutes les anciennes religions de l’Orient ont admis la pluralité des femmes. Mahomet en réduisit à quatre le nombre illimité jusqu’alors. Il est dit que David avait dix-huit femmes, et Salomon sept cents, avec trois cents concubines. Ces rois buvaient du vin avec leurs compagnes. C’était donc la religion juive qui était voluptueuse, et celle de Mahomet était sévère.

C’est un grand problème parmi les politiques, si la polygamie est utile à la société et à la propagation. L’Orient a décidé cette question dans tous les siècles, et la nature est d’accord avec les peuples orientaux, dans presque toute espèce animale chez qui plusieurs femelles n’ont qu’un mâle. Le temps perdu par les grossesses, par les couches, par les incommodités naturelles aux femmes, semble exiger que ce temps soit réparé. Les femmes, dans les climats chauds, cessent de bonne heure d’être belles et fécondes. Un chef de famille, qui met sa gloire et sa prospérité dans un grand nombre d’enfants, a besoin d’une femme qui remplace une épouse inutile. Les lois de l’Occident semblent plus favorables aux femmes ; celles de l’Orient, aux hommes et à l’État : il n’est point d’objet de législation qui ne puisse être un sujet de dispute. Ce n’est pas ici la place d’une dissertation ; notre objet est de peindre les hommes plutôt que de les juger.

On déclame tous les jours contre le paradis sensuel de Mahomet ; mais l’antiquité n’en avait jamais connu d’autre, Hercule épousa Hébé dans le ciel, pour récompense des peines qu’il avait éprouvées sur la terre. Les héros buvaient le nectar avec les dieux ; et, puisque l’homme était supposé ressusciter avec ses sens, il était naturel de supposer aussi qu’il goûterait, soit dans un jardin, soit dans quelque autre globe, les plaisirs propres aux sens, qui doivent jouir puisqu’ils subsistent. Cette créance fut celle des pères de l’Église du iie et du iiie siècle. C’est ce qu’atteste précisément saint Justin, dans la seconde partie de ses Dialogues : « Jérusalem, dit-il, sera agrandie et embellie pour recevoir les saints, qui jouiront pendant mille ans de tous les plaisirs des sens. » Enfin le mot de paradis ne désigne qu’un jardin planté d’arbres fruitiers.

Cent auteurs, qui en ont copié un, ont écrit que c’était un moine nestorien qui avait composé l’Alcoran. Les uns ont nommé ce moine Sergius, les autres Boheïra ; mais il est évident que les chapitres de l’Alcoran furent écrits suivant l’occurrence, dans les