Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
CAUSES DE LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN.


CHAPITRE XI.


Causes de la chute de l’empire romain.


Si quelqu’un avait pu raffermir l’empire, ou du moins retarder sa chute, c’était l’empereur Julien. Il n’était point un soldat de fortune, comme les Dioclétien et les Théodose. Né dans la pourpre, élu par les armées, chéri des soldats, il n’avait point de factions à craindre ; on le regardait, depuis ses victoires en Allemagne, comme le plus grand capitaine de son siècle. Nul empereur ne fut plus équitable et ne rendit la justice plus impartialement, non pas même Marc-Aurèle. Nul philosophe ne fut plus sobre et plus continent. Il régnait donc par les lois, par la valeur, et par l’exemple. Si sa carrière eût été plus longue, il est à présumer que l’empire eût moins chancelé après sa mort.

Deux fléaux détruisirent enfin ce grand colosse : les barbares, et les disputes de religion.

Quant aux barbares, il est aussi difficile de se faire une idée nette de leurs incursions que de leur origine. Procope, Jornandès, nous ont débité des fables que tous nos auteurs copient. Mais le moyen de croire que les Huns, venus du nord de la Chine, aient passé les Palus-Méotides à gué et à la suite d’une biche, et qu’ils aient chassé devant eux, comme des troupeaux de moutons, des nations belliqueuses qui habitaient les pays aujourd’hui nommés la Crimée, une partie de la Pologne, l’Ukraine, la Moldavie, la Valachie ? Ces peuples robustes et guerriers, tels qu’ils le sont encore aujourd’hui, étaient connus des Romains sous le nom général de Goths. Comment ces Goths s’enfuirent-ils sur les bords du Danube, desquels virent paraître les Huns ? Comment demandèrent-ils à mains jointes que les Romains daignassent les recevoir ? et comment, dès qu’ils furent passés, ravagèrent-ils tout jusqu’aux portes de Constantinople à main armée ?

Tout cela ressemble à des contes d’Hérodote, et à d’autres contes non moins vantés. Il est bien plus vraisemblable que tous ces peuples coururent au pillage les uns après les autres. Les Romains avaient volé les nations ; les Goths et les Huns vinrent voler les Romains.

Mais pourquoi les Romains ne les exterminèrent-ils pas, comme Marius avait exterminé les Cimbres ? c’est qu’il ne se trou-