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DE L’ESPAGNE ET DES MAHOMÉTANS.

qu’un Sanche-Garcie, comte de Castille, empoisonna sa mère à la fin du xe siècle, et que son fils, don Garcie, fut poignardé par trois seigneurs du pays, dans le temps qu’il allait se marier.

(1035) Enfin Ferdinand, fils de Sanche, roi de Navarre et d’Aragon, réunit sous sa puissance la Vieille-Castille, dont sa famille avait hérité par le meurtre de ce don Garcie, et le royaume de Léon, dont il dépouilla son beau-frère, qu’il tua dans une bataille (1036).

Alors la Castille devint un royaume, et Léon en fut une province. Ce Ferdinand, non content d’avoir ôté la couronne de Léon et la vie à son beau-frère, enleva aussi la Navarre à son propre frère, qu’il fit assassiner dans une bataille qu’il lui livra. C’est ce Ferdinand à qui les Espagnols ont prodigué le nom de Grand, apparemment pour déshonorer ce titre trop prodigué aux usurpateurs.

Son père, don Sanche, surnommé aussi le Grand, pour avoir succédé aux comtes de Castille, et pour avoir marié un de ses fils à la princesse des Asturies, s’était fait proclamer empereur, et don Ferdinand voulut aussi prendre ce titre. Il est sûr qu’il n’est ni ne peut être de titre affecté aux souverains que ceux qu’ils veulent prendre, et que l’usage leur donne. Le nom d’empereur signifiait partout l’héritier des Césars et le maître de l’empire romain, ou du moins celui qui prétendait l’être. Il n’y a pas d’apparence que cette appellation pût être le titre distinctif d’un prince mal affermi, qui gouvernait la quatrième partie de l’Espagne.

L’empereur Henri III mortifia la fierté castillane, en demandant à Ferdinand l’hommage de ses petits États comme d’un fief de l’empire. Il est difficile de dire quelle était la plus mauvaise prétention, celle de l’empereur allemand, ou celle de l’espagnol. Ces idées vaines n’eurent aucun effet, et l’État de Ferdinand resta un petit royaume libre.

C’est sous le règne de ce Ferdinand que vivait Rodrigue, surnommé le Cid, qui en effet épousa depuis Chimène, dont il avait tué le père. Tous ceux qui ne connaissent cette histoire que par la tragédie si célèbre dans le siècle passé croient que le roi don Ferdinand possédait l’Andalousie.

Les fameux exploits du Cid furent d’abord d’aider don Sanche, fils aîné de Ferdinand, à dépouiller ses frères et ses sœurs de l’héritage que leur avait laissé leur père. Mais don Sanche ayant été assassiné dans une de ces expéditions injustes, ses frères rentrèrent dans leurs États (1073 ).

Alors il y eut près de vingt rois en Espagne, soit chrétiens,