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CROISADE CONTRE LES LANGUEDOCIENS.

plus complète ; ils disent que Simon de Montfort, l’évêque de Toulouse, et l’évêque de Comminge, divisèrent leur armée en trois corps, en l’honneur de la sainte Trinité.

Mais quand on a cent mille ennemis en tête, va-t-on les attaquer avec dix-huit cents hommes en pleine campagne, et divise-t-on une si petite troupe en trois corps ? C’est un miracle, disent quelques écrivains ; mais les gens de guerre, qui lisent de telles aventures, les appellent des absurdités.

Plusieurs historiens assurent que saint Dominique était à la tête des troupes, un crucifix de fer à la main, encourageant les croisés au carnage. Ce n’était pas là la place d’un saint ; et il faut avouer que si Dominique était confesseur, le comte de Toulouse était martyr.

Après cette victoire le pape tint un concile général à Rome. Le comte de Toulouse vint y demander grâce. Je ne puis découvrir sur quel fondement il espérait qu’on lui rendrait ses États ; il fut trop heureux de ne pas perdre sa liberté. Le concile même porta la miséricorde jusqu’à statuer qu’il jouirait d’une pension de quatre cents marcs ou marques d’argent. Si ce sont des marcs, c’est à peu près vingt-deux mille francs de nos jours ; si ce sont des marques, c’est environ douze cents francs : le dernier est plus probable, attendu que moins on lui donnait d’argent, plus il en restait pour l’Église.

Quand Innocent III fut mort, Raimond de Toulouse ne fut pas mieux traité (1218). Il fut assiégé dans sa capitale par Simon de Montfort ; mais ce conquérant y trouva le terme de ses succès et de sa vie ; un coup de pierre écrasa cet homme, qui, en faisant tant de mal, avait acquis tant de renommée.

Il avait un fils à qui le pape donna tous les droits du père ; mais le pape ne put lui donner le même crédit. La croisade contre le Languedoc ne fut plus que languissante. Le fils du vieux Raimond, qui avait succédé à son père, était excommunié comme lui. Alors le roi de France, Louis VIII, se fit céder, par le jeune Montfort, tous ces pays que Montfort ne pouvait garder ; mais la mort arrêta Louis VIII au milieu de ses conquêtes.

Le règne de saint Louis, neuvième du nom, commença malheureusement par cette horrible croisade contre des chrétiens ses vassaux. Ce n’était point par des croisades que ce monarque était destiné à se couvrir de gloire. La reine Blanche de Castille, sa mère, femme dévouée au pape, Espagnole, frémissant au nom d’hérétique, et tutrice d’un pupille à qui les dépouilles des opprimés devaient revenir, prêta le peu qu’elle avait de forces à un