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CHAPITRE LXVIII.

qui sous les yeux même des empereurs ont établi, de siècle en siècle, leur association au pouvoir suprême, et leur indépendance ? Il n’y avait plus en Italie ni empereurs ni papes : qui forgea donc de nouvelles chaînes à ce beau pays ? la division. Les factions guelfe et gibeline, nées des querelles du sacerdoce et de l’empire, subsistaient toujours comme un feu qui se nourrissait par de nouveaux embrasements ; la discorde était partout. L’Italie ne faisait point un corps, l’Allemagne en faisait toujours un. Enfin le premier empereur entreprenant qui aurait voulu repasser les monts pouvait renouveler les droits et les prétentions des Charlemagne et des Othon. C’est ce qui arriva enfin à Henri VII, de la maison de Luxembourg : il descend en Italie avec une armée d’Allemands ; il vient se faire reconnaître (1311), Le parti guelfe regarde son voyage comme une nouvelle irruption de barbares ; mais le parti gibelin le favorise : il soumet les villes de Lombardie ; c’est une nouvelle conquête : il marche à Rome pour y recevoir la couronne impériale.

Rome, qui ne voulait ni d’empereur ni de pape, et qui ne put secouer tout à fait le joug de l’un et de l’autre, ferma ses portes en vain (1313). Les Ursins et le frère de Robert, roi de Naples, ne purent empêcher que l’empereur n’entrât l’épée à la main, secondé du parti des Colonnes : on se battit longtemps dans les rues, et un évêque de Liège fut tué à côté de l’empereur. Il y eut beaucoup de sang répandu pour cette cérémonie du couronnement, que trois cardinaux firent enfin au lieu du pape. Il ne faut pas oublier que Henri VII protesta par-devant notaire que le serment par lui prêté à son sacre n’était point un serment de fidélité. Les papes osaient donc prétendre que l’empereur était leur vassal.

Maître de Rome, il y établit un gouverneur : il ordonna que toutes les villes, que tous les princes d’Italie lui payassent un tribut annuel ; il comprit même dans cet ordre le royaume de Naples, séparé alors de celui de Sicile, et cita le roi de Naples à comparaître. Ainsi l’empereur réclame son droit sur Naples : le pape en était suzerain ; l’empereur se disait suzerain du pape, et le pape se croyait suzerain de l’empereur.

(1313) Henri VII allait soutenir sa prétention sur Naples par les armes, quand il mourut empoisonné, à ce qu’on prétend : un dominicain mêla, dit-on, du poison dans le vin consacré.

Les empereurs communiaient alors sous les deux espèces, en qualité de chanoines de Saint-Jean de Latran. Ils pouvaient faire l’office de diacres à la messe du pape, et les rois de France y auraient été sous-diacres.