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CHAPITRE LXX.

peu de temps ; tous les témoignages antérieurs du xiiie siècle et du xiie font voir que jusqu’au temps de Frédéric II les seigneurs et les prélats possédant les fiefs élisaient l’empereur ; et ce vers d’Hoved en est une preuve manifeste :

Eligit unanimis cleri procerumque voluntas,
La volonté unanime des seigneurs et du clergé fait les empereurs.

Mais comme les principaux officiers de la maison étaient des princes puissants ; comme ces officiers déclaraient celui que la pluralité avait élu ; enfin, comme ces officiers étaient au nombre de sept, ils s’attribuèrent, à la mort de Frédéric II, le droit de nommer leur maître ; et ce fut la seule origine des sept électeurs.

Auparavant, un maître d’hôtel, un écuyer, un échanson, étaient des principaux domestiques d’un homme ; et avec le temps ils s’étaient érigés en maîtres d’hôtel de l’empire romain, en échansons de l’empire romain. C’est ainsi qu’en France celui qui fournissait le vin du roi s’appela grand bouteillier de France ; son panetier, son échanson, devinrent grands panetiers, grands échansons de France, quoique assurément ces officiers ne servissent ni pain, ni vin, ni viande, à l’empire et à la France. L’Europe fut inondée de ces dignités héréditaires de maréchaux, de grands veneurs, de chambellans d’une province. Il n’y eut pas jusqu’à la grande maîtrise des gueux de Champagne qui ne fût une prérogative de famille.

Au reste, la dignité impériale, qui par elle-même ne donnait alors aucune puissance réelle, ne reçut jamais plus de cet éclat qui impose aux peuples que dans la cérémonie de la promulgation de la bulle d’or. Les trois électeurs ecclésiastiques, tous trois archichanceliers, y parurent avec les sceaux de l’empire. Mayence portait ceux d’Allemagne ; Cologne, ceux d’Italie ; Trêves, ceux des Gaules. Cependant l’empire n’avait dans les Gaules que la vaine mouvance des restes du royaume d’Arles, de la Provence, du Dauphiné, bientôt après confondus dans le vaste royaume de France. La Savoie, qui était à la maison de Maurienne, relevait de l’empire : la Franche-Comté, sous la protection impériale, était indépendante, et appartenait à la branche de Bourgogne de la maison de France.

L’empereur était nommé dans la bulle le chef du monde, caput orbis. Le dauphin de France, fils du malheureux Jean de France, assistait à cette cérémonie, et le cardinal d’Albe prit la place au-dessus de lui : tant il est vrai qu’alors on regardait l’Eu-