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CHAPITRE LXXII.

Henri V, roi d’Angleterre, occupé, comme nous le verrons, de la conquête de la France, souhaitait que le pontificat, déchiré et avili, ne pût jamais ni rançonner l’Angleterre, ni se mêler des droits des couronnes ; et il avait assez d’esprit pour désirer que le nom de pape fût aboli pour jamais.

Rome, délivrée des troupes françaises, maîtresses pourtant encore du château Saint-Ange, et retournée sous l’obéissance de Jean XXIII, n’aimait point son pape, et craignait l’empereur.

Les villes d’Italie, divisées, ne mettaient presque point de poids dans la balance ; Venise, qui aspirait à la domination de l’Italie, profitait de ses troubles et de ceux de l’Église.

Le duc de Bavière, pour jouer un rôle, protégeait le pape Corrario réfugié à Rimini ; et Frédéric, duc d’Autriche, ennemi secret de l’empereur, ne songeait qu’à le traverser.

Sigismond se rendit maître du concile, en mettant des soldats autour de Constance pour la sûreté des pères. Le pape corsaire, Jean XXIII, eût bien mieux fait de retourner à Rome, où il pouvait être le maître, que de s’aller mettre entre les mains d’un empereur qui pouvait le perdre. Il se ligua avec le duc d’Autriche, l’archevêque de Mayence, et le duc de Bourgogne ; et ce fut ce qui le perdit. L’empereur devint son ennemi. Tout pape légitime qu’il était, on exigea de lui qu’il cédât la tiare, aussi bien que Luna et Corrario : il le promit solennellement, et s’en repentit le moment d’après. Il se trouvait prisonnier au milieu du concile même auquel il présidait (1415). Il n’avait plus de ressource que dans la fuite. L’empereur le faisait observer de près. Le duc d’Autriche ne trouva pas de meilleur moyen, pour favoriser l’évasion du pape, que de donner au concile le spectacle d’un tournoi. Le pape, au milieu du tumulte de la fête, s’enfuit, déguisé en postillon. Le duc d’Autriche part un moment après lui. Tous deux se retirent dans une partie de la Suisse, qui appartenait encore à la maison autrichienne. Le pape devait être protégé par le duc de Bourgogne, puissant par ses États et par l’autorité qu’il avait en France. Un nouveau schisme allait recommencer. Les chefs d’ordre attachés au pape se retiraient déjà de Constance ; et le concile, par le sort des événements, pouvait devenir une assemblée de rebelles. Sigismond, malheureux en tant d’occasions, réussit en celle-ci. Il avait des troupes prêtes ; il se saisit des terres du duc d’Autriche en Alsace, dans le Tyrol, en Suisse. Ce prince, retourné au concile, y demande à genoux sa grâce à l’empereur : il lui promet, en joignant les mains, de ne rien entreprendre jamais contre sa volonté ; il lui remet tous ses États, pour que l’empereur en dis-