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DES MONUMENTS DES ÉGYPTIENS.

Les choen, ou prêtres d’Égypte, continuèrent longtemps d’écrire en hiéroglyphes, ce qui est défendu par le second article de la loi des Hébreux ; et quand les peuples d’Égypte eurent des caractères alphabétiques, les choen en prirent de différents qu’ils appelèrent sacrés, afin de mettre toujours une barrière entre eux et le peuple. Les mages, les brames, en usaient de même : tant l’art de se cacher aux hommes a semblé nécessaire pour les gouverner. Non-seulement ces choen avaient des caractères qui n’appartenaient qu’à eux, mais ils avaient encore conservé l’ancienne langue de l’Égypte quand le temps avait changé celle du vulgaire.

Manéthon, cité dans Eusèbe, parle de deux colonnes gravées par Thaut, le premier Hermès, en caractères de la langue sacrée ; mais qui sait en quel temps vivait cet ancien Hermès ? Il est très-vraisemblable qu’il vivait plus de huit cents ans avant le temps où l’on place Moïse ; car Sanchoniathon dit avoir lu les écrits de Thaut, faits, dit-il, il y a huit cents ans. Or Sanchoniathon écrivait en Phénicie, pays voisin de la petite contrée cananéenne mise à feu et à sang par Josué, selon les livres juifs. S’il avait été contemporain de Moïse, ou s’il était venu après lui, il aurait sans doute parlé d’un homme si extraordinaire et de ses prodiges épouvantables ; il aurait rendu témoignage à ce fameux législateur juif, et Eusèbe n’aurait pas manqué de se prévaloir des aveux de Sanchoniathon.

Quoi qu’il en soit, les Égyptiens gardèrent surtout très-scrupuleusement leurs premiers symboles. C’est une chose curieuse de voir sur leurs monuments un serpent qui se mord la queue, figurant les douze mois de l’année ; et ces douze mois exprimés chacun par des animaux, qui ne sont pas absolument ceux du zodiaque que nous connaissons. On voit encore les cinq jours ajoutés depuis aux douze mois, sous la forme d’un petit serpent sur lequel cinq figures sont assises : c’est un épervier, un homme, un chien, un lion, et un ibis. On les voit dessinés dans Kircher, d’après des monuments conservés à Rome. Ainsi presque tout est symbole et allégorie dans l’antiquité.

xxi. — Des monuments des Égyptiens.

Il est certain qu’après les siècles où les Égyptiens fertilisèrent le sol par les saignées du fleuve, après les temps où les villages commencèrent à être changés en villes opulentes, alors les arts