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DES MYSTÈRES DES ÉGYPTIENS.

ancien usage qui commença par la superstition, et qui s’est conservé par la coutume.

xxiii. — Des mystères des Égyptiens.

Je suis bien loin de savoir quelle nation inventa la première ces mystères qui furent si accrédités depuis l’Euphrate jusqu’au Tibre. Les Égyptiens ne nomment point l’auteur des mystères d’Isis. Zoroastre passe pour en avoir établi en Perse ; Cadmus et Inachus, en Grèce ; Orphée, en Thrace ; Minos, en Crète. Il est certain que tous ces mystères annonçaient une vie future, car Celse dit aux chrétiens[1] : « Vous vous vantez de croire des peines éternelles ; et tous les ministres des mystères ne les annoncèrent-ils pas aux initiés ? »

Les Grecs, qui prirent tant de choses des Égyptiens : leur Tartbaroth, dont ils firent le Tartare ; le lac, dont ils firent l’Achéron ; le batelier Caron, dont ils firent le nocher des morts, n’eurent leurs fameux mystères d’Éleusine que d’après ceux d’Isis. Mais que les mystères de Zoroastre n’aient pas précédé ceux des Égyptiens, c’est ce que personne ne peut affirmer. Les uns et les autres étaient de la plus haute antiquité, et tous les auteurs grecs et latins qui en ont parlé conviennent que l’unité de Dieu, l’immortalité de l’âme, les peines et les récompenses après la mort, étaient annoncées dans ces cérémonies sacrées.

Il y a grande apparence que les Égyptiens, ayant une fois établi ces mystères, en conservèrent les rites : car, malgré leur extrême légèreté, ils furent constants dans la superstition. La prière que nous trouvons dans Apulée, quand Lucius est initié aux mystères d’Isis, doit être l’ancienne prière : « Les puissances célestes te servent, les enfers te sont soumis, l’univers tourne sous ta main, tes pieds foulent le Tartare, les astres répondent à ta voix, les saisons reviennent à tes ordres, les éléments t’obéissent, etc. »

Peut-on avoir une plus forte preuve de l’unité de Dieu reconnue par les Égyptiens, au milieu de toutes leurs superstitions méprisables ?

  1. Origène, liv. VIII. (Note de Voltaire.)