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CHAPITRE LXXXIX.


CHAPITRE LXXXIX.


Suite de l’histoire des Turcs et des Grecs, jusqu’à la prise
de Constantinople.


Constantinople fut un temps hors de danger parla victoire de Tamerlan ; mais les successeurs de Bajazet rétablirent bientôt leur empire. Le fort des conquêtes de Tamerlan était dans la Perse, dans la Syrie et aux Indes, dans l’Arménie et vers la Russie. Les Turcs reprirent l’Asie Mineure, et conservèrent tout ce qu’ils avaient en Europe ; il fallait alors qu’il y eût plus de correspondance et moins d’aversion qu’aujourd’hui entre les musulmans et les chrétiens. Cantacuzène n’avait fait nulle difficulté de donner sa fille en mariage à Orcan, et Amurat II, petit-fils de Bajazet et fils de Mahomet Ier, n’en fit aucune d’épouser la fille d’un despote de Servie, nommée Irène.

Amurat II était un de ces princes turcs qui contribuèrent à la grandeur ottomane ; mais il était très-détrompé du faste de cette grandeur qu’il accroissait par ses armes ; il n’avait d’autre but que la retraite. C’était une chose assez rare qu’un philosophe turc qui abdiquait la couronne. Il la résigna deux fois, et deux fois les instances de ses bachas et de ses janissaires l’engagèrent à la reprendre.

Jean II Paléologue allait à Rome et au concile, que nous avons vu[1] assemblé par Eugène IV à Florence ; il y disputait sur la procession du Saint-Esprit, tandis que les Vénitiens, déjà maîtres d’une partie de la Grèce, achetaient Thessalonique, et que son empire était presque tout partagé entre les chrétiens et les musulmans. Amurat cependant prenait cette même Thessalonique à peine vendue. Les Vénitiens avaient cru mettre en sûreté ce territoire, et défendre la Grèce par une muraille de huit mille pas de long, selon cet ancien usage que les Romains eux-mêmes avaient pratiqué au nord de l’Angleterre : c’est une défense contre des incursions de peuples encore sauvages ; ce n’en fut pas une contre la milice victorieuse des Turcs ; ils détruisirent la muraille, et poussèrent leurs irruptions de tous côtés dans la Grèce, dans la Dalmatie, dans la Hongrie.

  1. Chapitre lxxxvi, page 82.