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DE LA NOBLESSE.

nommé Eudes Le Maire (1095). Il faut hien que saint Louis eût anobli son barbier La Brosse, puisqu’il le fit son chambellan. Philippe III, qui anoblit Raoul son argentier, n’est donc pas, comme on le dit, le premier roi qui se soit arrogé le droit de changer l’état des hommes. Philippe le Bel donna de même le titre de noble et d’écuyer, de miles, au bourgeois Bertrand, et à quelques autres ; tous les rois suivirent cet exemple. (1339) Philippe de Valois anoblit Simon de Bucy, président au parlement, et Nicole Taupin sa femme.

(1350) Le roi Jean anoblit son chancelier Guillaume de Dormans : car alors aucun office de clerc, d’homme de loi, d’homme de robe longue, ne donnait rang parmi la noblesse, malgré le titre de chevalier es lois, et de bachelier ès lois que prenaient les clercs. Ainsi Jean Pastourel, avocat du roi, fut anobli par Charles V, avec sa femme Sédille (1354).

Les rois d’Angleterre, de leur côté, créèrent des comtes, des barons, qui n’avaient ni comté ni baronnie. Les empereurs usèrent de ce privilége en Italie : à leur exemple les possesseurs des grands fiefs s’arrogèrent le pouvoir d’anoblir et de corriger ainsi le hasard de la naissance. Un comte de Foix donna des lettres de noblesse à maître Bertrand son chancelier, et les descendants de Bertrand se dirent nobles ; mais il dépendait du roi et des autres seigneurs de reconnaître ou non cette noblesse. De simples seigneurs d’Orange, de Saluces, et beaucoup d’autres, se donnèrent la même licence.

La milice des francs-archers et des Taupins, sous Charles VII, étant exempte de la contribution des tailles, prit sans aucune permission le titre de noble et d’écuyer, confirmé depuis par le temps, qui établit et qui détruit tous les usages et les priviléges ; et plusieurs grandes maisons de France descendent de ces Taupins, qui se firent nobles, et qui méritaient de l’être, puisqu’ils avaient servi la patrie.

Les empereurs créèrent non-seulement des nobles sans terres, mais des comtes palatins. Ces titres de comtes palatins furent donnés à des docteurs dans les universités. L’empereur Charles IV introduisit cet usage, et Barthole fut le premier auquel il donna ce titre de comte, titre avec lequel ses enfants ne seraient point entrés dans les chapitres, non plus que les enfants des Taupins.

Les papes, qui prétendaient être au-dessus des empereurs, crurent qu’il était de leur dignité de faire aussi des palatins, des marquis. Les légats du pape, qui gouvernent les provinces du saint-siége, firent partout de ces prétendus nobles ; et de là vient