Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
CONQUÊTE DE NAPLES PAR CHARLES VIII.

maison d’Aragon. La bâtardise n’excluait point alors du trône. C’était une race bâtarde qui régnait en Castille ; c’était encore la race bâtarde de don Pèdre le Sévère, qui était sur le trône de Portugal. Fernando, régnant à ce titre dans Naples, avait reçu l’investiture du pape au préjudice des héritiers de la maison d’Anjou, qui réclamaient leurs droits. Mais il n’était aimé ni du pape son suzerain, ni de ses sujets. Il mourut en 1494, laissant une famille infortunée, à qui Charles VIII ravit le trône sans pouvoir le garder, et qu’il persécuta pour son propre malheur.

__________



CHAPITRE CVII.


De la conquête de Naples par Charles VIII, roi de France et empereur. De Zizim, frère de Bajazet II. Du pape Alexandre VI, etc.


Charles VIII, son conseil, ses jeunes courtisans, étaient si enivrés du projet de conquérir le royaume de Naples qu’on rendit à Maximilien la Franche-Comté et l’Artois, partie des dépouilles de sa femme, et qu’on remit la Cerdagne et le Roussillon à Ferdinand le Catholique, auquel on fit encore une remise de trois cent mille écus qu’il devait, à condition qu’il ne troublerait point la conquête. On ne faisait pas réflexion que douze villages qui joignent un État valent mieux qu’un royaume à quatre cent lieues de chez soi. On faisait encore une autre faute : on se fiait au roi catholique.

L’enivrement du projet chimérique de conquérir non-seulement une partie de l’Italie, mais de détrôner le sultan des Turcs, fut aussi une des raisons qui forcèrent Charles VIII à conclure avec Henri VII, roi d’Angleterre, un marché plus honteux encore que celui de Louis XI avec Édouard IV. Il se soumit à lui payer six cent vingt mille écus d’or, de peur que Henri ne lui fît la guerre ; se rendant ainsi le tributaire des Anglais belliqueux, qu’il craignait, pour aller attaquer des Italiens amollis, qu’il ne craignait pas. Il crut aller à la gloire par le chemin de l’opprobre, et commença par s’appauvrir en voulant s’enrichir par des conquêtes.

(1494) Enfin Charles VIII descend en Italie. Il n’avait pour